Echassières : bataille déjà perdue de la troisième guerre mondiale ?

C’est LA grande annonce de cette fin d’année dans l’Allier : une gigantesque mine de lithium doit voir le jour à Echassières, ce qui serait une bonne nouvelle pour l’emploi (pensez donc : jusqu’à mille emplois potentiels !), pour l’écologie, le lithium étant nécessaire aux batteries des voitures électriques, et pour l’indépendance de notre beau pays qui ne dépendrait plus de pays étrangers dans ce domaine. Une vraie bénédiction !

Le PCF, ardent défenseur de ce projet depuis des décennies, s’en réjouit et proclame avec fierté avoir été visionnaire en la matière.

  • « Le député de l’allier, André LAJOINIE et les communistes de l’allier avaient bien raison! 42 ans après la manifestation initiée par eux sur le site de La Bosse (photos ci-jointes) demandant l’exploitation du site pour extraire le lithium, le journal Le Monde annonce « l’ouverture de la première production de lithium en France avec le lancement d’un important projet d’exploitation à Echassière dans l’allier. Ce projet pourrait aboutir à la création de 1000 emplois directs ou indirects dans notre département. Les communistes se félicitent qu’enfin notre pays se dote d’un outil industriel pour produire dans notre pays les batteries nécessaires au stockage de l’électricité et à la transition énergétique en particulier dans les moyens de transport. »
Le PCF de l’Allier (sur Facebook)

EELV applaudit également le projet, au nom des véhicules électriques, tout en demandant des garanties sur le caractère durable de l’entreprise :

  •     « les écologistes rappellent que le lithium est un métal indispensable à la production de batteries, essentielles pour le stockage d’énergies renouvelables et le développement des véhicules électriques. Le projet d’Imerys doit ainsi permettre à la France et à l’Union européenne d’accroître notre indépendance énergétique, et de réduire les coûts financiers et écologiques de transports de minerais. Cet objectif est louable. Cependant, un projet d’extraction minière n’est jamais anodin, et ne peut se prétendre 100% propre. Ce projet en France doit être l’occasion d’innover, pour faire de la mine de Beauvoir une référence mondiale, en atteignant des exigences écologiques maximales. »
(lire davantage ici : https://ecologieaura.fr/lithium-allier/)

L’entreprise en question, Imerys, jure ses grands dieux que cette mine sera la plus respectueuse qu’il se puisse faire, protégeant l’environnement, pratiquant une extraction douce et délicate, et produisant même de l’énergie solaire sur place ! Il y a de quoi faire rêver : un capitalisme à prétention écologique, auquel il faudrait faire confiance, et qui ne fera évidemment rien de mal. Un vrai conte de fées !

Le fond de l’affaire est pourtant tout autre. Antoine Gatet, vive-président de France Nature Environnement ne mâche pas ses mots :

« Il faut arrêter avec le mythe de la mine propre ! Tout ça, c’est de la communication et du flan. On ne sait pas extraire de la matière du sous-sol de façon propre, car une mine ça implique toujours à côté une grosse usine chimique de transformation, ce qui entraîne une exploitation, et à terme une pollution de l’eau et des quantités importantes de déchets qu’on ne sait pas gérer. Est-ce qu’on est vraiment prêts à sacrifier une partie de l’eau et de l’écosystème du Massif central pour faire des voitures électriques à 40.000 euros que très peu de gens pourront se payer ? »

Imerys s’est précisément illustrée en Amazonie où elle est responsable de la pollution de l’eau et de l’exil de populations indigènes. On lira à ce sujet les articles suivants de l’Observatoire de multinationales : Une entreprise minière française accusée de semer la désolation en Amazonie et Polluées, menacées, déplacées : ces communautés amazoniennes aux prises avec des multinationales européennes.

Imerys est d’ailleurs possédée par le groupe Bruxelles-Lambert, groupe belge (et québécois) présent au capital de nombreuses grandes entreprises du CAC40 comme Total, Lafarge, Pernod Ricard ou Adidas.

Bref, on est là dans l’horreur capitaliste telle qu’on ne la connaît malheureusement que trop.

Néanmoins, les choses vont plus loin que cela.

Le capitalisme est en crise. Une crise ouvertement révélée au moment de la crise sanitaire de 2019, dont nous ne sommes pas sortis d’ailleurs, et qui se concrétise de manière toujours plus agressive, en particulier avec l’invasion de l’Ukraine par le régime russe en février dernier. On sait le besoin du capitalisme d’ouvrir de nouveaux marchés, d’étendre sa base, mais avec la crise et la tendance générale à la guerre il y a de plus en plus une volonté de faire participer activement le peuple – ne serait-ce que par sa passivité entretenue – à la logistique et à la production nécessaires pour soutenir cet effort du guerre. Le capitalisme français, comme les capitalismes concurrents d’ailleurs, se replie sur lui-même dans un mouvement toujours plus crispé et généralisé allant vers la concurrence la plus aigre entre les pays, et finalement à la guerre.

On est ici dans un vaste mouvement de restructuration du capitalisme français dans le cadre européen, et notamment dans le cadre du projet LIFE ou LIthium For Europe, qui entend permettre au capitalisme industriel européen de ne plus dépendre des pays dits « émergents » et notamment de la Chine, superpuissance désignée aujourd’hui ouvertement comme l’ennemi principal, qui est ultra-dominante dans le domaine du lithium. C’est la clef : la grande question d’actualité, aujourd’hui, c’est la guerre mondiale, avec les Etats-Unis et la Chine comme antagonistes principaux, et les autres pays impérialistes plus faibles cherchant à se faire une place dans la guerre pour le repartage du monde. La mine n’a jamais intéressé les capitalistes pendant 42 ans, et voilà qu’il faudrait soudainement commencer à l’exploiter ? Heureux hasard sans doute.

Le développement du lithium, c’est le renforcement du capitalisme français, dans le cadre européen, et totalement inséré dans le camp atlantique mené par les Etats-Unis (la guerre en Ukraine le montre bien assez), dans une perspective d’opposition agressive à la Chine. Le capitalisme en crise marche au niveau mondial vers la guerre pour le partage du monde, en assumant au passage de détruire la nature, mais les « communistes » et les « écologistes » français applaudissent.

Le PCF, en s’inscrivant dans cette démarche, participe à paralyser les masses de ce pays en les orientant vers un soutien au capitalisme tricolore dans sa concurrence face à la Chine. C’est ce que jadis on appelait du social-chauvinisme. Ce n’est d’ailleurs pas nouveau puisque André Lajoinie, député PCF de l’Allier et futur candidat à la présidentielle de 1988, vantait « l’intérêt national » du projet. Le PCF et la CGT d’alors étaient dans une logique de cogestion du capitalisme, avec une rhétorique patriotique sociale et une volonté de montrer qu’il était possible que concilier les intérêts d’un capitalisme patriotique et ceux d’une classe ouvrière ramenée surtout à ses représentants syndicaux, c’est-à-dire à l’ « aristocratie ouvrière ».

« Il y a de nombreux emplois à créer surtout si le gouvernement décide comme nous le demandons la mise en exploitation et la création de l’usine de transformation sur place, ainsi que la mise en place d’une usine de fabrication de piles, d’accumulateurs ou même de voitures électriques »

André Lajoinie, député de l’Allier, en 1980

En défendant activement ce projet, le PCF prouve décidément qu’il n’a absolument rien compris ni à la marche du capitalisme vers la guerre, ni à l’écologie, ni à l’exploitation du prolétariat, ni au capitalisme en général.

EELV, comme à son habitude, se contente d’accompagner le capitalisme en prétendant le verdir un peu, et en vantant des voitures électriques dont la conception est pourtant polluante et dont les prix sont évidemment difficilement abordables pour les masses.

Il est à noter que le Parti socialiste de l’Allier ne s’est guère manifesté à ce sujet, son ralliement à la France insoumise et à sa NUPES étant certainement prioritaire par rapport à la question de la guerre et de la destruction de la Biosphère.

Bref, on fonce toujours plus dans le mur mais la gauche française détourne le regard, ou ne le porte dans la bonne direction que pour se proposer d’accompagner la catastrophe. Après le capitalisme à visage humain, la guerre mondiale à visage humain.