Communiqué n°14 – Une élection présidentielle pitoyable

Dernière semaine avant le premier tour de l’élection présidentielle. Une campagne sans le moindre intérêt, et c’est peu de le dire.

Tout d’abord, on remarque que les français sont passifs, englués dans le 24h/24 du capitalisme, rêvant vaguement du retour des « 30 glorieuses », se détournant toujours plus de la politique. Malgré une pandémie meurtrière, une crise du capitalisme toujours plus violente, une tendance globale à l’affrontement entre grandes puissances agressives pour le repartage du monde, une guerre en Ukraine (il y en a ailleurs, et de plus meurtrières, mais on aurait pu penser que la proximité géographique de celle-ci eut pu susciter plus réactions, un véritable mouvement pour la paix). Les français râlent, se révoltent éventuellement un peu, mais n’entendent pas participer à un changement profond de société.

Les personnages et organisations politiques, quant à eux, sont d’un niveau pitoyable, à gauche comme à droite. Il suffit pour s’en rendre compte de voir le meeting d’Emmanuel Macron où tout sonnait faux, la prestation pathétique de Valérie Pécresse, ou même l’éphémère « primaire populaire » montée par un militant libéral et religieux, désormais reconverti en mélenchoniste fanatique.

Face à ce spectacle pitoyable, auquel elle contribue pourtant aussi, l’extrême-droite a un boulevard et avance vers le pouvoir. Le fascisme a précisément toujours eu besoin de la dépolitisation des masses (et de leur division par le biais du racisme), de la désorganisation des partis politiques et principalement de ceux de gauche, de gens révoltés mais voulant de l’ordre, d’irrationalisme.

On retrouve Marine Le Pen, candidate du Rassemblement national. Comme le colonel de La Rocque le fit jadis avec les Croix-de-feu qu’il changea en Parti social français, elle est parvenue à faire du Front national extrémiste et quasi-putschiste dans sa logique, un RN d’apparence républicaine, de masse mais à prétention institutionnelle, nationaliste et anti-gauche mais avec une prétention sociale. Elle est, dans l’immédiat, la menace principale. Son ancrage au sein d’une partie des masses populaires est le principal défi que la gauche devra relever si elle veut renaître.

Eric Zemmour, propulsé par les media de droite, et en particulier ceux de Vincent Bolloré, oeuvre, pour sa part, à la constitution d’un grand bloc réactionnaire droite/extrême-droite, accompagné à la marge mais activement par des groupuscules fascistes violents. Il ne sera pas élu, pas même présent au second tour, vraisemblablement, mais il aura rempli son rôle historique d’agent de la recomposition du camp réactionnaire. Ce travail se poursuivra dans les années à venir et il nous faudra l’affronter avec force pour l’écraser.

Dans le sillage de ces deux-là, on retrouve Jean Lassalle, le semi-pétainiste de foire, et Nicolas Dupont-Aignan, l’antivax égotique et poutinien.

Face au camp nationaliste-réactionnaire, on trouve le camp libéral-atlantiste, représenté par Emmanuel Macron. Président-candidat creux, il n’est que l’exécutant des intérêts de la fraction moderniste de la grande bourgeoisie, tout en étant entièrement aligné sur les Etats-Unis d’Amérique. Son programme est clair : la destruction ultra-libérale dans tous les domaines. Avec le même atlantisme, le même libéralisme culturel, mais avec une volonté de gestion sociale (et verte) du capitalisme, on trouve Anne Hidalgo, candidate inaudible d’un PS illisible en fin de course, et Yannick Jadot, partisan d’une écologie sociale-libérale, moralisatrice, mais également du patriarcat dans sa forme libérale-décadente (transactivisme, prostitution, GPA).

Jean-Luc Mélenchon, ayant anticipé depuis longtemps la déliquescence de la gauche et s’en nourrissant largement, fonce toujours plus vers un nationalisme social, populiste, à prétention altermondialiste. Comment voir encore dans cette France insoumise qui flirte avec l’antisémitisme, qui applaudit les « patrons patriotes », assume de vouloir relancer le capitalisme tricolore et de porter le projet d’un France agressive à l’international (appuyée, au besoin, sur la Russie ou la Chine et leurs satellites pour affronter les Etats-Unis et les « boches »), un mouvement de gauche ?

Passons sur les deux candidatures d’extrême-gauche de Nathalie Arthaud et de Philippe Poutou, la première fossilisée dans un trotskisme économiste hors de propos (qui nous dit que la Russie de Poutine ne serait pas un Etat capitaliste et impérialiste…), le second de plus en plus populiste, qui ne sont là que pour passer folkloriquement une tête, comme à chaque élection.

Il y a enfin Fabien Roussel, du PCF. Libéré de l’emprise mélenchonienne, désormais incapable de s’appuyer sur le PS, le PCF tente de redevenir ce qu’il était du temps de Georges Marchais. S’il n’a pas été difficile de ressortir le boccarisme de la commission économique du parti, force est de constater que la large base ouvrière a disparu, depuis. Pour la reconquérir, le candidat-secrétaire national a choisi, outre le discours historique de la gauche ouvrière sur les travailleurs exploités par les capitalistes (une bonne chose) de prendre des accents très « beauf », n’hésitant pas à mettre en avant la bière, le pastis, le vin, la viande… et même la chasse (y compris dans ses formes les plus barbares), qu’il est allé défendre auprès du lobby de la chasse, comme il est allé passer un oral devant la FNSEA. Rêvant des « Jours heureux », M. Roussel oublie peut-être un peu vite que ceux proposés par le CNR avaient été possibles grâce à un PCF qui était révolutionnaire, avec une idéologie solide et marxiste. On peine à croire que le croisement entre le républicanisme social d’un Jaurès (anti-marxiste par excellence) et de l’idéologie réactionnaire du « terroir » permettra de l’atteindre. Toutefois, et c’est un point crucial à saluer : le PCF affirme clairement vouloir participer à la reconstruction de la gauche, d’une gauche populaire, universaliste et qui n’hésite pas à affirmer qu’elle votera toujours pour bloquer l’extrême-droite. Il faudra avoir cela en tête, lorsqu’il s’agira de rebâtir une gauche solide et que les tartuffes devront être écartés.

Les jeux sont faits et le score total de la gauche dans les intentions de vote ne permet pas d’envisager positivement l’élection présidentielle. L’objectif immédiat pour la gauche est de préparer les législatives pour limiter la casse, bloquer l’extrême-droite et faire reculer la droite. Quant à obtenir une majorité, c’est encore un doux rêve.