Vive l’Ukraine libre, indépendante et démocratique !
Depuis le 24 février, la Russie de Vladimir Poutine a commencé à envahir l’Ukraine. La plupart des pays occidentaux ont condamné cette agression et de nombreuses manifestations de soutien à l’Ukraine ont eu lieu. Il va sans dire que c’est une situation dramatique et que la population ukrainienne, déjà éprouvée, est en train ou s’apprête à affronter une guerre terrible. La Russie est évidemment soutenue par la Biélorussie et la Tchétchénie islamiste qui envoie 10 000 barbares combattre en Ukraine. Les bombardements se succèdent, les victimes aussi, et les Ukrainiens se sentent démunis face à l’agression de l’expansionnisme russe. Beaucoup ont déjà fui leur pays, en direction principalement des pays limitrophes, comme la Pologne ou la Hongrie, mais également vers d’autres pays européens, un petit nombre étant déjà arrivé chez nous.
En France, c’est l’effroi. La population apathique, qui pensait naïvement qu’on allait pouvoir revenir au petit train-train habituel du capitalisme (en le corrigeant éventuellement de-ci de-là), se rend compte que la crise non seulement n’est pas prête de s’arrêter mais devient vraiment violente. La tendance à la guerre, au repartage du monde entre les grandes puissances, à la violence généralisée se manifeste désormais ouvertement.
Et comme toujours en temps de guerre, la voix de la démocratie, de la paix et de l’internationalisme est étouffée. Quant à la vérité, elle est manipulée par les fauteurs de guerre et les faussaires de l’anti-impérialisme.
Face à toute cette horreur, seule une Gauche solide, fermement ancrée dans ses principes historiques peut faire le poids. Le problème, encore une fois, c’est qu’elle est très faible. Beaucoup parlent de « paix », mais de quelle paix parlent-ils, alors qu’ils s’alignent sur l’OTAN de manière outrancière ou alors qu’ils trouvaient jusqu’ici des excuses à Vladimir Poutine (comme Mélenchon, qui considérait qu’en aidant Bachar Al-Assad à massacrer son peuple, il « réglait le problème » en Syrie) ?
La guerre est en Ukraine mais les répercussions se ressentent jusqu’ici. Il faudrait faire « l’union sacrée » derrière Emmanuel Macron (et donc derrière l’OTAN et les hypocrites capitalistes de l’Union européenne, prompts à condamner cette guerre… alors que lorsque des armes françaises et britanniques participent au massacre des Yéménites par le régime barbare de l’Arabie Saoudite, personne ne dit rien. La simplification apolitique et abrutissante est de mise : Vladimir Poutine est un monstre. C’est vrai, mais est-ce là de la politique ? Où est l’analyse politique ? L’analyse économique ? Qui parle de l’idéologie « eurasienne » au service de l’expansionnisme russe ? Qui parle de l’agressivité de l’OTAN (que même le président Zelensky a dénoncé, juste avant l’invasion, en disant que les Etats-Unis n’aidaient pas à apaiser la situation) ? Qui parle du haut degré de corruption de l’Etat ukrainien ? De l’énorme influence d’un ultra-nationalisme ukrainien marqué par la mise en avant (jusqu’en France) de Stepan Bandera, figure de la collaboration avec l’Allemagne hitlérienne, et des organisations néo-nazies qui s’en revendiquent aujourd’hui ? Qui parle de la culture ukrainienne ? De son peuple ? Qui s’intéresse au peuple russe, qui n’est pas réductible à ses oligarques et son dictateur ?
Sous prétexte de s’opposer à Vladimir Poutine, certains appellent à la haine contre la Russie, son histoire, sa culture et son peuple. L’université de Milan, avant de rétropédaler, avait déprogrammé l’étude de Dostoïevsky. Le CNRS décide d’arrêter toute collaboration avec les scientifiques russes. Des gens tels que le dessinateur de presse Xavier Gorce appellent à boycotter tout ce qui vient de la Russie : art, science, culture, etc. On notera d’ailleurs que ces gens qui proposent la haine de la culture russe ne savent rien de la culture ukrainienne, dont ils se moquent éperdument. Ces va-t-en guerre, prêts à oublier Piotr Ilitch Tchaïkovski, Ivan Répine et Léon Tolstoï, mettent-ils au moins en avant le poète et peintre ukrainien Taras Chevtchenko, le compositeur Viktor Kosenko ou le peintre Arkhip Kouïndji ? Evidemment non.
L’heure est aux simplifications mensongères, à l’étouffement de la culture et de la démocratie, à l’assèchement de la pensée politique. Il est pourtant capital de comprendre les ressorts de cette guerre, d’analyser l’expansionnisme russe, la nature des Etats russe et ukrainien, le rôle de l’OTAN et de l’Union européenne, la place des intérêts français dans tout ça. Il est également capital de défendre l’internationalisme, l’universalisme, l’amitié entre les peuples, en mettant en avant ce que ces deux pays ont produit de plus riches culturellement, en mettant en avant ce qui peut rassembler ces deux peuples, à la fois différents et si proches.
Il faut du contenu pour affronter toutes ces questions et qui en a, à part la Gauche fidèle à ses principes ? Celle qui s’efforce d’analyser le capitalisme pour mieux lutter contre lui. Celle qui ne sombre pas dans le campisme mais demeure authentiquement anti-impérialiste et internationaliste. La post-gauche ayant sombré dans le subjectivisme individualiste le plus libéral, le populisme ultra-chauvin et l’ultra-gauche d’esprit syndicaliste et apolitique ne peuvent plus faire illusion. L’Histoire les rattrape et l’arnaque qu’ils représentent s’affiche toujours plus au grand-jour : ils seront balayés et relégués dans le camp de la réaction auquel ils appartiennent chaque jour un peu plus.
La Russie est impérialiste, expansionniste et constitue le danger le plus immédiat et le plus important pour le peuple Ukrainien. C’est le cas depuis plusieurs années, et notamment depuis la prise de la Crimée et la formation de deux « républiques » séparatistes de Lougansk et de Donietsk. Il est donc impératif de dénoncer ceux qui se sont faits les relais et les alliés objectifs ou subjectifs de cette agressivité poutinienne. Cela va des nationalistes comme Marine Le Pen et Eric Zemmour (celui-ci étant le plus pro-russe de tous) qui veulent réorienter l’impérialisme français vers une grande agressivité au niveau international, dans la guerre pour le repartage du monde entre grandes et moyennes puissances, mais en alliance avec la Russie contre les Etats-Unis, à un Jean-Luc Mélenchon qui défend finalement la même ligne mais en plus « sociale », par opposition radicale et unilatérale à l’OTAN.
C’est là le fond de l’affaire. Au-delà de la « poutinolâtrie » dont on les accuse (à raison, pour ce qui est des deux premiers, qui peuvent voir chez le président russe un modèle de « leader » fort, traditionaliste, nationaliste, militariste), c’est leur nationalisme, le problème principal. La Russie a leurs faveurs car elle s’oppose à la domination des Etats-Unis contre laquelle ils combattent. Une victoire de la Russie remettrait en cause l’hégémonie étasunienne et le libéralisme européiste qu’ils combattent car il empêche le capitalisme français d’être unilatéralement agressif à l’international. C’est bien pour cela que Jean-Luc Mélenchon saluait, tout en critiquant la forme de cette annexion, le fait que la Crimée s’éloigne de l’OTAN en rejoignant la Russie. Le même Mélenchon qui réclamait du président Hollande qu’il livre les mistrals français à la Russie et qui applaudissait les ventes de rafales de Dassault au nom du patriotisme économique. Pour quelqu’un comme lui, être anti-impérialiste, c’est être contre l’impérialisme étasunien… et c’est tout.
C’est d’ailleurs cette unilatéralité qui révèle à coup sûr les faux anti-impérialistes et les hypocrites. La France insoumise, et tant de gens issus idéologiquement du PCF de la guerre froide (le PRCF, notamment), assimilent « l’impérialisme » aux Etats-Unis… et uniquement à eux. Les E.-U. seraient LE grand méchant occidental, certains parlant même d’impérialisme « germano-yankee » pour désigner l’ensemble UE et E.-U. Le mal vient de l’occident, de l’OTAN… tout le reste peut donc être soutenu ou bénéficier d’excuses. Ainsi, Mélenchon disait à la veille de l’invasion de l’Ukraine que la menace venait de l’OTAN et que la Russie n’avait aucun intérêt à envahir sa voisine.
Les fameuses « républiques populaires » séparatistes infestées de néo-fascistes, de mercenaires islamo-fascistes tchétchènes, soutenues ouvertement par la Russie de Vladimir Poutine, s’organisent sur un mode ultra-patriarcal et militarisé, mais certains viennent les faire passer pour d’innocents « Etats » authentiquement populaires et démocratiques. Il est vrai que les mêmes soutiennent Bachar Al-Assad et les crimes odieux qu’il commet en Syrie avec l’aide de son suzerain Poutine (dont Mélenchon disait qu’il « régl[ait] le problème »), au nom de leur « anti-impérialisme » de façade.
A l’inverse, des gens comme Raphaël Glucksmann (coutumier du fait), Anne Hidalgo et Yannick Jadot ont pris fait et cause… non pas pour le peuple ukrainien, comme ils le prétendent, mais pour l’OTAN. Voilà le président Zelensky présenté comme un héros (et héraut) de la démocratie, alors que cet homme – millionnaire dont les Pandora Papers ont révélé qu’il percevait des dividendes depuis des dizaines de sociétés off-shore – a été porté au pouvoir par les oligarques du pays, tels que Ihor Kolomoïsky qui finance également le néo-nazisme dans le pays, ou Rinat Akhmetov, première fortune du pays, accusé de corruption et protégé par le président Zelensky qui s’est chargé de mettre des bâtons dans les roues du Bureau national anticorruption. Tous ces gens qui défendent le statu quo défendent une Ukraine où règne la corruption, où dominent les oligarques, où le néo-nazisme est mis en avant régulièrement. Dire cela ne revient pas à excuser Poutine ou à reprendre sa thèse de la « dénazification » nécessaire de l’Ukraine, mais à exposer des faits. Il est un fait que le gouvernement de Petro Porotchenko comprenait des ministres d’extrême-droite, a réhabilité la collaboration et la figure de Bandera, réprimé les communistes, et a intégré le bataillon « Azov » dans l’armée régulière malgré son idéologie néo-nazie affirmée.
Il est également un fait que Raphaël Glucksmann est aligné sur l’OTAN depuis toujours. Militant ultralibéral et néo-conservateur, il avait défendu la meurtrière guerre menée par les Etats-Unis en Irak, avant de devenir le conseiller du président géorgien corrompu Saakachvili, responsable de tortures, d’humiliations sexuelles, de répression de ses opposants (des « erreurs », pour Glucksmann qui salue quand même le bilan du tortionnaire), tandis que son épouse d’alors était ministre dans le gouvernement de Porotchenko sus-mentionné. Grand défenseur de la « révolution orange » ukrainienne, il tente aujourd’hui de faire passer pour une théorie du complot toute mention du soutien appuyé et affirmé des Etats-Unis à ce moment. Et c’est cet homme qui vient accuser ceux qui le critiquent d’être des défenseurs de la tyrannie, et qui vient donner des leçons de gauche et de pacifisme ? On en rirait si la situation n’était pas dramatique.
Ces gens ne défendent pas la paix, mais l’OTAN et les Etats-Unis. Quand Anne Hidalgo fait meeting commun avec Valérie Pécresse, Bernard-Henri Lévy (qui considère que la guerre en Irak n’était pas si atroce que ça)… et David Petraeus, ancien chef de la CIA, ex-commandant de la coalition US en Irak (puis en Afghanistan, d’ailleurs), elle ne défend pas la paix, mais la guerre dans le camp étasunien qui a déjà massacré beaucoup de monde pour défendre ses intérêts et continue de soutenir des régimes criminels dans le monde, comme il l’a toujours fait.
Quand, lors du rassemblement du 26 février 2022, Yannick Jadot crie à la foule « Слава Україні ! » et qu’il se voit répondre par une partie de celle-ci, qui brandit le drapeau rouge et noir, « Heroim slava ! », c’est le slogan de l’extrême-droite ukrainienne se revendiquant de Stepan Bandera, figure de la collaboration, qu’on entend. Pas un message de paix.
Quand Bruno Le Maire, avant de rétropédaler, assume ouvertement un discours guerrier en affirmant vouloir « provoquer l’effondrement de l’économie russe » par la « guerre financière et économique totale », ce n’est pas un message de paix et d’appaisement, mais un message belliciste aligné sur les Etats-Unis. Le ministre revendique cet alignement en parlant d’ailleurs des Etats-Unis et de l’Europe comme du « continent économique et financier le plus puissant de la planète ». C’est là assumer l’idée que, face au bloc formé par la Chine et la Russie, il faut bâtir un bloc occidental autour des pays capitalistes qui le composent, et surtout autour des Etats-Unis. C’est une logique de guerre froide… qui tend à la guerre mondiale.
Quand, pour défendre une Russie démocratique et pacifique, on met en avant Alexeï Navalny qui, tout opposant persécuté qu’il soit, est un militant d’extrême-droite ultra-violente, de qui se moque-t-on ? Cet homme qui a défilé avec des néo-nazis, a soutenu ces derniers dans leurs ratonnades, a appelé à la déportation et au meurtre des étrangers, assimilés à des « cafards », qui a dénoncé la guerre… tout en saluant l’anexion de la Crimée, serait donc un démocrate ? A ce compte-là, Zemmour est un homme de gauche !
Ce pourquoi il faut se battre, aujourd’hui, c’est l’établissement d’une Ukraine indépendante, démocratique et populaire. Il en va d’ailleurs de même pour la Russie et pour tous les Etats du monde. C’est là la seule ligne digne que doit tenir la Gauche, si elle ne veut pas se renier et faire le jeu de la guerre.
La situation en Ukraine est typique du capitalisme en crise, qui pousse les nations à se replier sur elle-mêmes, à s’affronter. D’un côté il y a l’Ukraine, qui n’a pas lésiné sur les attaques contre les séparatistes, qui s’est enfermée dans un régime nationaliste et corrompu qui n’a réussi qu’à envenimer la situation, à provoquer la haine et l’envie d’en découdre avec l’ennemi… et de l’autre il y a la Russie avec ses ambitions impériales, ravie d’utiliser comme prétexte l’agressivité et le nationalisme de l’Ukraine pour justifier sa propre haine et son invasion « défensive ». Evidemment, il ne s’agit pas de mettre l’Ukraine et la Russie sur le même plan. L’Ukraine est ici l’agressée et la Russie est un monstre impérialiste. Néanmoins, il s’agit d’éviter l’angélisme et de défendre réellement une Ukraine indépendante et démocratique. Ni écrasée par la Russie, ni pourrie de l’intérieur par le nationalisme et la corruption.
Voilà que certains applaudissent la perspective de l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne et dans l’OTAN… Elle y est poussée par les circonstances, par un régime qui penche de ce côté-là depuis le départ, et par les Etats-Unis qui exercent une pression énorme sur ce pays dont ils comptent bien faire un satellite, depuis des années.
A cette guerre, beaucoup ne voient qu’une réponse : plus de guerre ! Au lieu d’appeler à soutenir les populations civiles, à envoyer de l’aide humanitaire et à établir un cessez-le-feu donnant une chance à l’apaisement et à la diplomatie, les voilà qui crient en chœur qu’il faut écraser la Russie par tous les moyens, y compris si ça pénalise la population russe (qui n’a vraiment pas besoin de ça). On notera également l’hypocrisie de toutes ces bonnes âmes prétendument en faveur de l’Ukraine qui se sont tues sur tant d’autres conflits barbares (et même bien plus barbares). La Russie envahit l’Ukraine : on appelle au renforcement de la guerre pour dégommer la Russie. L’Arabie Saoudite massacre les Yéménites : on détourne les yeux, on ne demande pas de sanctions. Cela montre bien que les va-t-en guerre n’ont rien à faire des Ukrainiens : ce qui compte pour eux, c’est de soutenir le camp occidental.
Saluons ici les municipalités (Clermont-Ferrand, Commentry, etc.), les organisations politiques, syndicales, associatives, qui tentent d’organiser de l’aide à la population ukrainienne, envoyant au pays médicaments, vivres et autres choses utiles à l’heure où de multiples pays ne pensent qu’à y envoyer des armes et des munitions pour soutenir la guerre… armes et munitions qui se retrouveront entre les mains d’on ne sait trop qui à l’avenir. Puisque la passivité serait ici criminelle, il s’agit donc de respecter ces démarches, qui ont leur limites mais qui au moins servent une cause juste. Lorsqu’on regardera en arrière, on saura qui s’est préoccupé du sort du peuple ukrainien, assailli par le nationalisme et par l’expansionnisme russe. Et qui s’en est servi pour se mettre en valeur personnellement…