Communiqué n°15 – Entre Le Pen et Macron, un Mélenchon à la fois incontournable et insignifiant veut porter le coup de grâce à la gauche.

Ca y est, Emmanuel Macron est réélu et Marine Le Pen est battue.

Le camp du président sortant fête la victoire, l’attribuant à un « vote d’adhésion ». Marine Le Pen, quoique battue, se réjouit des sommets atteints par son camp politique. De fait, la France avait le choix, lors de ce second tour entre deux lignes : la ligne réactionnaire, nationaliste-sociale et pro-Russie du Rassemblement national et la ligne ultra-libérale, moderniste et euro-atlantiste d’Emmanuel Macron. Deux lignes particulièrement détestables, anti-démocratiques et anti-populaires. Néanmoins, il est évident qu’il fallait voter Macron pour bloquer l’extrême-droite. Laisser la présidence à un parti fondé par des Waffen-SS, des terroristes et des collabos, qui traine toujours dans son sillage des groupuscules violents et néo-fascistes, qui entraîne avec un certain succès une partie importante des masses populaires dans son impasse funeste, c’était hors de question.

Et pourtant, il est non moins évident qu’Emmanuel Macron représente également tout ce que la gauche déteste, tout ce que les masses détestent. C’est ce qui a poussé Jean-Luc Mélenchon et sa France insoumise (ou son « Union populaire ») a laisser ouverte la porte de l’abstention et du vote blanc. D’ailleurs, de la même manière que Macron considère que sa victoire est due à un vote d’adhésion, Jean-Luc Mélenchon s’imagine que ses 22% sont le reflet d’une adhésion totale de tous les électeurs de gauche à son projet (les résultats des deux tours en Outre-Mer le contredisent clairement) et en profite pour intimer l’ordre à la gauche de se rallier à son panache blanc. Le PCF, EELV et le NPA auraient des « comptes à rendre » et devraient se ranger derrière son programme, en échange de quelques rares places à l’assemblée. Mélenchon est clair : il veut que les Français « l’élisent » premier ministre. Dans cette optique, il est allé jusqu’à affirmer, peu avant le second tour de la présidentielle, qu’on « s’en fout[ait] » du président. Ainsi donc, ça ne lui aurait pas posé de problème d’être le premier ministre d’une présidente fasciste.

Déjà, le PCF tend la main à la FI, le parti Génération-s (qui s’était inféodé à EELV) est prêt à rallier l’ex-sénateur socialiste, le NPA aussi, certaines voix à EELV, les proches d’Arnaud Montebourg… et même le PS, à qui pourtant la FI a dit ne pas proposer d’alliance et qui, jusqu’ici, était clair sur son opposition à Mélenchon. Mus par l’électoralisme et la crainte de disparaître pour les uns, par un populisme ou un chauvinisme commun pour les autres, tous sont prêts à aller à la soupe, c’est-à-dire à abandonner leurs principes et leur identité pour avoir quelques places.

L’émergence de Jean-Luc Mélenchon dans le paysage politique français depuis 2008 est le produit de la déliquescence idéologique et politique de la Gauche historique (avec un Parti communiste français devenu électoraliste-syndicaliste et un Parti socialiste purement gestionnaire) et de la gauche dite « alternative » (des trotskistes ou post-trotskistes caricaturaux et creux, des altermondialistes mi-bobo mi-confusionnistes, etc). Si la Gauche historique avait su conserver ses principes ou si la gauche prétendument alternative avait su les reprendre à son compte, jamais un Mélenchon n’aurait été possible. Produit par la décadence de la gauche, il est peu à peu devenu un agent accélérateur de la disparition de celle-ci. Non pas pour en bâtir une nouvelle, mais pour aller jusqu’au bout dans son rejet, en affirmant un populisme outrancier et clientéliste, une modernisation « sociale et verte » du capitalisme à grand renfort de post-modernisme et un nationalisme n’hésitant pas à flirter avec l’antisémitisme et la xénophobie.

Plus encore qu’en 2017, Mélenchon est apparu aux yeux de certains comme un « vote utile » à gauche. Si on ne compte que les votes dits « d’adhésion », il ne pèse au mieux que 15% des votants (car il ne faut pas oublier l’abstention massive). Bref : il est insignifiant. C’est la raison pour laquelle il s’agite autant pour les législatives. Les restes de la gauche sont éparpillés façon puzzle, son succès relatif à la présidentielle est très précaire : si le soufflé retombe, c’en est fini de son mouvement. C’est d’ailleurs là la logique de Mélenchon depuis le début : privilégier une mobilisation populiste et des coups d’éclat, susciter des polémiques, essayer de capter des révoltes et des colères. On sent là la matrice trotskiste-lambertiste initiale de la France insoumise : « rhétorique gauchiste, pratique opportuniste », comme disait Lénine de Trotsky. Un opportunisme particulièrement droitier chez les lambertistes (qui fricotaient avec la droite et l’extrême-droite) comme chez la France insoumise qui n’a pas hésité à mettre en avant Didier Maïsto, complotiste puant qui s’est illustré pendant la pandémie, ou Bruno Gaccio qui défend la liberté d’expression des négationnistes comme son ami Dieudonné M’Bala M’Bala, ou qui se moque de l’assassinat de Wolinski avec l’écrivain fasciste Marc-Edouard Nabe, qui admire les combattants de l’Etat islamique.

Nationaliste, anticommuniste, soutenant des régimes dictatoriaux, toujours plus alignée sur le post-modernisme (et notamment le transactivisme, forme turbocapitaliste du patriarcat), la France insoumise sait pouvoir compter sur les soutiens que son clientélisme a suscité, en la personne de Houria Bouteldja et de ses amis. Antisémite, homophobe, racialiste, pro-islamiste, la mouvance dite « indigéniste » dont elle est la grande figure s’est en bonne partie déjà ralliée à ce populisme outrancier, tout en souhaitant purger la FI de ses « laïcards » – on notera le vocabulaire maurassien – et des défenseurs de la « blanchité » (sic). Dans le même genre, la FI a décidé d’investir Taha Bouhafs, ce condamné pour injure raciste qui s’est par ailleurs illustré en inventant des morts baignant dans le sang à Tolbiac, en traitant les gens de Charlie Hebdo de « pouilleux », et en accusant Benoît Hamon – qui dénonçait l’antisémitisme – d’avoir peur d’être « privé de petits fours » au dîner du Crif.

Une gauche qui se rangerait derrière la France insoumise perdrait toute dignité et tout honneur, et ne mériterait que de disparaître. Il est plus qu’urgent de rebâtir une Gauche intransigeante sur ses principes, organisée, menant un travail de fond, résolument ancrée dans la classe ouvrière et les masses populaires en général. Une Gauche qui vomit le nationalisme, le populisme, l’électoralisme de bas étage. Une Gauche universaliste, internationaliste, socialiste.