Communiqué n°13 – La vague fasciste s’affirme librement. La Gauche lui laisse la place.

Le fascisme est une menace contre laquelle la classe ouvrière, tous les travailleurs et toute la Gauche doit s’unir.

Et malgré ça, hier, Jean Hugon, militant insoumis a été agressé, ainsi qu’un membre de sa famille par des individus d’extrême-droite en plein Clermont-Ferrand. Cette attaque, d’autant plus odieuse qu’elle n’est pas la première qu’il a subi et que les fascistes font tourner sur internet son visage et des informations le concernant, se produit alors qu’avait lieu samedi, ainsi qu’il l’avait annoncé sur Twitter pour conseiller d’éviter la zone, « un concert organisé par le bar Hops’N’Roll, avec un groupe de Black Metal qui comporte dans ses membres deux anciens du groupe néo-nazi « Peste noir » ». Ce message de Jean Hugon venait en complément d’un autre portant sur la diffusion à Clermont-Ferrand (comme malheureusement ailleurs en France) d’un autocollant reprenant la « Tottenkopf » des SS et menaçant directement les antifascistes.

Au-delà du cas de Jean Hugon, auquel nous apportons – cela va sans dire – notre soutien sincère et total, malgré les évidentes divergences idéologiques qui d’ordinaire nous opposent, c’est plus généralement à un accroissement de la vague fasciste à laquelle nous assistons aujourd’hui dans le pays.

En effet, la menace ne saurait être réduite à ces quelques ultra-violents, néo-pétainistes, maurrassiens ou ouvertement nazis, tel qu’on en croise malheureusement déjà trop à Clermont-Ferrand, et ce depuis des années. La vague continue de monter et la crise dans laquelle le covid a plongé le monde entier accélère le processus. A l’arrière-plan, il y a la lutte pour le repartage du monde, entre principalement la Chine et les Etats-Unis, les autres pays – alliés ou soumis aux deux géants – se positionnant par rapport à cela. L’heure est à l’agressivité nationaliste, au militarisme, à la guerre.

Le Rassemblement national de Marine Le Pen représentait jusqu’ici la menace principale, mais il n’est plus seul. Voici que la candidature (pas encore officielle) d’Eric Zemmour est mise en avant et soutenue par la presse aux mains de l’ultra-réactionnaire Bolloré mais également par les autres médias, ravis de faire de l’audience avec des sujets « clivants ». On cherche le « buzz » en débattant tranquillement des thèses les plus odieuses de la Réaction. On retrouve également Florian Philippot et, dans le même genre, les trop nombreux anti-vax (accompagnés des « anti-passe » qui sont au mieux leurs idiots utiles, au pire leurs alliés subjectifs), complotistes, antisémites. Parallèlement, la droite dite « républicaine » se fait de plus en plus agressive et réactionnaire, que ce soit avec Eric Ciotti cajolant ses électeurs méridionaux très à droite, ou Xavier Bertrand qui se fait le porte-parole des chasseurs et de leur barbarie mafieuse. Le Parti chrétien-démocrate, Sens Commun et Chasse, pêche, nature et traditions, se relancent respectivement sous les noms de Via, Mouvement Conservateur et Mouvement de la ruralité, en tant que partis moins liés à la droite classique et de plus en plus tournés vers l’extrême-droite. On ne compte plus les généraux et militaires exprimant leurs intentions factieuses et appelant à remettre de l’ordre dans le pays par en-haut. Enfin, l’extrême-droite violente montre toujours plus son visage, agressant, menaçant, revendiquant plus ouvertement son fascisme ou son néo-nazisme.

Tous les ingrédients du fascisme sont là et la démonstration est encore faite de la pertinence des thèses de Zeev Sternhell : on voit bien que le fascisme est une invention française, on sent le pays fait pour ça. On voit la convergence de l’irrationalisme, du militarisme, du « nationalisme de la terre et des morts », de cette « France profonde » (le fameux « pays réel » de Maurras, opposé au « pays légal », thème qu’on retrouve presque de manière identique chez Eric Zemmour) de la chasse (à courre, notamment, mais également d’autres formes de barbarie) et des notables locaux (on songera à Jean Lassalle, qui n’amuse que les crétins incapables de voir la dimension pétainiste de sa ligne politique).

Face à cela, il faudrait rassembler, comme on le lisait sur les affiches du Front populaire, « les communistes, les socialistes et les républicains de gauche », il faudrait unir les masses de ce pays derrière la défense de la Démocratie, de la Culture et de la Science, derrière le rejet de la guerre, du nationalisme et de la barbarie. Mais quelle gauche avons-nous ?

Le Parti socialiste soutient Anne Hidalgo, candidate opportuniste, caressant la grande bourgeoisie et le Qatar dans le sens du poil. Les Verts et leurs alliés (dont Génération-s, qui représente un échec sur toute la ligne) hésitent entre un libéralisme vert macrono-compatible avec Yannick Jadot (celui qui regrettait Sarkozy) et un post-modernisme ultra avec Sandrine Rousseau, la « féministe » qui ne s’oppose pas à la prostitution et qui défend le transactivisme, idéologie misogyne et homophobe.

Passons sur Lutte ouvrière, sempiternellement dans sa ligne para-syndicale et sur le NPA qui, amputé des trotskystes indigénistes de Révolution permanente, misent une fois de plus sur la candidature de Philippe Poutou, dont la sympathie qu’il dégage et le fait qu’il soit ouvrier sont les seuls réels arguments de campagne.

La France insoumise poursuit sa ligne ultra-populiste, essayant de surfer sur chaque vague médiatique par opportunisme (allant jusqu’à débattre avec Eric Zemmour… chose qu’elle dénonçait trois jours avant). Comme Zemmour, Jean-Luc Mélenchon veut une « bourgeoisie plus patriote » alliée aux « classes populaires », comme lui il a rendu hommage à Charles Pasqua en excusant au passage son anticommunisme, comme lui il a soutenu le général de Villiers au nom de la grandeur de l’armée, comme lui il est nationaliste et populiste, comme lui il critique l’UE sans vouloir en sortir, comme lui il cible essentiellement les Etats-Unis et l’Allemagne, comme lui il ne craint pas d’insulter des peuples ou des minorités, comme lui il sert la soupe aux antisémites. L’un présente un nationalisme maurrassien, l’autre un nationalisme « inclusif ». Evidemment, Zemmour et Mélenchon ne représentent pas la même chose et Zemmour constitue une véritable menace pour la démocratie. Néanmoins, l’arnaque insoumis ne saurait, on le voit, constituer un rempart contre le fascisme zemmourien. On ne combat pas le nationalisme raciste par un nationalisme « humaniste » (oxymore).

Arnaud Montebourg, au chauvinisme aussi enflé que ses chevilles, recycle les thèmes classiques de la réaction : relancer le capitalisme national, rétablir l’autorité, renforcer le militarisme et l’union nationale, défendre le « retour à la terre » (celle dont Pétain disait qu’elle ne « ment pas »).

Enfin, le Parti communiste français présente Fabien Roussel, sorte de Marchais 2.0 moins assuré. Après s’être vendu au PS, puis offert à Mélenchon, le PCF veut éviter de sombrer en réaffirmant une ligne indépendante. Seulement, le bagage idéologique s’est bien appauvri et il y a autant de bons que de mauvais éléments dans le discours tenu. On sent un réel attachement à la tradition ouvrière, à la gauche historique et le relatif virage anti-post-modernisme est à saluer, de même que la défense claire de la vaccination massive de la population, là où d’autres s’empêtraient dans un racolage puant auprès des antivax. Néanmoins, on pourra pointer le jaurèssisme de Roussel qui, s’il a bien raison de rappeler que la sécurité est un thème important pour les classes populaires confrontées aux traffics et aux mafias, s’empêtre dans un républicanisme fantasmé et une ligne bien institutionnelle. On lui a reproché d’avoir manifesté avec les syndicats de police et c’était en effet révélateur d’une grande faiblesse. Il ne s’agissait pas, comme on pouvait le lire chez les bobos ou l’ultra-gauche, d’un rapprochement avec les fachos, mais d’une conséquence de cette ligne institutionnelle. Quand on veut être un « républicain » bien inséré dans les institutions de l’État capitaliste, on se retrouve avec d’autres républicains bien insérés, comme le PS, LR, etc. Enfin, la défense de la Chine, Etat fasciste et impérialiste, est une honte magistrale. Le PCF des années 70 était aligné sur l’URSS bureaucratique, celui d’aujourd’hui semble lorgner du côté de Xi. C’est une faute politique quand on est à gauche.

De toute manière, la gauche ne représente plus grand-chose, en terme de militants. Le PCF a fondu, le PS est dans un état misérable à ce niveau, et les autres sont anecdotiques. C’est pourtant par là qu’il faut reconstruire la gauche : à la base. Des militants organisés, issus des masses populaires et tournés vers elles.

La menace fasciste plane sur nous comme elle ne l’a pas fait depuis des décennies et la Gauche est dans un état lamentable. On n’a jamais été à ce point dans l’urgence. L’urgence de reconstruire notre camp et de rassembler la population de ce pays pour barrer la route à l’extrême-droite. C’est un combat de tous les jours : à l’usine contre l’exploitation capitaliste, dans les campagnes contre la barbarie cynégétique, dans les quartiers contre les violences et les trafics, dans le débat public pour défendre la culture, la science, l’universalisme.