Rassemblement contre l’antisémitisme

La semaine dernière, le ministère de l’intérieur annonçait une hausse de 74% des actes antisémites dans notre pays. Aussitôt, une vague d’effroi s’abattait sur une population qui semblait tout soudain découvrir que ce fléau existait encore dans notre pays, et qu’il était en constante augmentation. C’est que, si les organisations de gauche aiment proclamer qu’elles s’opposent à « toute forme de discrimination » , elles n’ont pas vu monter l’antisémitisme, comme elles n’ont pas vu monter la vague qui menace chaque jour davantage de déferler sur notre pays en un brutal tsunami fasciste.

La remontée de la rue des Gras

On peut reprocher bien des choses au Parti socialiste, mais il faut reconnaître qu’il n’a, en ces circonstances, pas perdu le nord et a vite appelé à un rassemblement le plus large contre l’antisémitisme. Le mot d’ordre était clair : «ça suffit !». Très rapidement, de nombreux partis se sont joints à la démarche (qui excluait bien évidemment le Rassemblement national, principal manifestation du fascisme en France aujourd’hui et dont les racines sont fortement ancrées dans l’antisémitisme), parmi lesquels des partis de gauche (le Parti communiste français, Génération.s, la Gauche républicaine et socialiste, ou Europe Ecologie – Les Verts) mais aussi de droite (Mouvement démocrate, La République en marche, l’Union des démocrates et des indépendants, AGIR ou les Républicains).

On remarquera l’attitude de la France insoumise qui a hurlé au complot du PS pour l’exclure, alors qu’elle avait en fait été contactée. C’est que, engoncée dans son refus de la Gauche, et son idéologie national-populiste, elle avait l’impression de se soumettre au «système». La France insoumise n’est pas, comme on a pu l’entendre, antisémite en elle-même. En revanche, elle véhicule une idéologie qui va à rebours de la tradition de la Gauche, et laisse la porte ouverte à l’idéologie fasciste. Ayant jeté par dessus bord la lutte des classes et le socialisme, pour préférer une lutte du «peuple» contre une prétendue «oligarchie», il est certain qu’elle n’est pas le rempart «républicain» qu’elle souhaiterait être. La différence est en effet mince entre la défense de la «patrie républicaine» face à la «caste de la finance mondialisée» faite par les insoumis et la défense de «nation» face à la
«race cosmopolite» ou «l’anti-France». Le populisme chauvin de la France insoumise, s’il n’est pas antisémite (ce serait absurde de le dire), alimente l’anticapitalisme romantique et son pendant le plus nauséabond qu’est l’antisémitisme, ce «socialisme des imbéciles», selon la célèbre formule d’August Bebel, grande figure de la social-démocratie historique.

Toujours est-il que nous étions, nous, au rassemblement organisé sur la place de Jaude, mardi soir. Nous partîmes cinq-cents de la statue de Vercingérotix, à sept heures du soir, mais par un prompt renfort, nous nous vîmes presque mil cinq cent à remonter la rue des Gras. Là s’arrête la reprise du Cid car il est évident de dans l’«obscure clarté» de la capitale auvergnate, il n’y eut pas d’affrontement avec l’ennemi fasciste, et rien n’indique malheureusement qu’il faille s’attendre à une combat victorieux contre la peste brune dans l’avenir proche. De fait, cette affluence certaine mais modeste a surtout été le fait de gens d’un certain âge (et surtout issus de la petite bourgeoisie). Un homme, interviewé par la Montagne, résume très bien la situation :

Ce qui me surprend, c’est la moyenne d’âge. J’ai cinquante-quatre ans, je fais partie des plus jeunes. Je m’inquiète. Ca devrait être notre jeunesse qui devrait nous représenter. Et il faut que, tous, on prenne conscience que l’éducation doit primer par dessus ça. Il ne faut pas que nos enfants oublient – et c’est à nous de leur retransmettre – toutes les valeurs, enfin, ce que je considère les vraies valeurs.

Voici quelques autres interventions capturées par la Montagne et qui sont d’une grande justesse.

Un homme :

L’actualité nous montre par ces actes qui se sont produits ces jours-ci, qu’il y a lieu de réagir le plus vivement possible pour montrer qu’il y a des choses qui ne se font pas.

Une dame :

C’est la première fois, moi aussi. La première fois, c’était « Je suis Charlie ». Et là, aujourd’hui, parce que ce sont des actes répétés. Parce que, que ce soit le racisme ou l’antisémitisme, que je mettrais au même niveau, ce sont des actes qui se répètent. Il faut vraiment, à un moment donné, qu’on dise « non, ça, c’est pas la France » !

Une autre dame :

Pour moi, il y a une forme d’urgence. On ne peut plus laisser, on ne doit rien lâcher, on ne peut pas laisser… Chaque acte est vraiment quelque chose de trop fort pour le laisser passer.

Cette dernière intervention est d’une pertinence totale. Non content de rappeler à ceux qui voudraient bien l’oublier que l’antisémitisme est profondément ancré dans la société française depuis longtemps, cet homme exprime la nécessité du combat contre le fascisme, qu’il faut abattre une bonne fois pour toutes :

Nous sommes ici pour une cause qui nous dépasse, face à l’ignominie de certains névrosés et dans un mal profond qui perdure en France depuis des siècles. Il est temps que tout ça se termine.

Quand on voit que les manifestations syndicales (notamment celles contre la «Loi Travail») qui ont régulièrement lieu à Clermont-Ferrand peuvent parfois rassembler jusqu’à dix fois plus de monde, depuis les lycéens qui viennent en fumant des pétards, jusqu’aux ouvriers retraités de la CGT, en passant par les Jeunes communistes, les anarchistes, Lutte Ouvrière, les Verts, les pseudo-maoïstes, etc., on se dit qu’il y a du souci à se faire. On voit bien l’état de la Gauche aujourd’hui qui n’arrive plus à mobiliser que lorsqu’elle se met à la remorque des syndicats et qui ne pèse plus rien dans la société. C’est encore plus révélateur à Clermont-Ferrand, ville historiquement ancrée à Gauche.

La Gauche d’aujourd’hui est en perte totale de repères, puisqu’elle rejette toujours plus son héritage historique. Jadis, la Gauche, issue du mouvement ouvrier, était communiste ou socialiste et défendait, dans sa diversité, le projet d’une nouvelle société, en rupture avec le mode de production capitaliste. Aujourd’hui, les uns rejettent cet héritage au nom du «peuple» et de la «nation», bazardant la lutte des classes, les autres font le choix du post-modernisme, du libéralisme culturel. On ne défend plus qu’un capitalisme «vert» et régulé par le keynésianisme, un impérialisme plus «humaniste». On ne défend plus la classe ouvrière au nom d’un projet universel affirmant l’unicité de l’espèce humaine, on lutte pour les «droits individuels» (ou des «minorités»). Face à cette déliquescence idéologique, il est important de réarmer la Gauche.

Oui, l’antisémitisme naît aussi à Gauche, ou plutôt naît des faiblesses de la Gauche ! Certains voient l’origine de l’antisémitisme dans «l’islamisme» de l’immigration arabe, d’autres uniquement au sein de l’extrême-droite, d’autres enfin y voient une conséquence de la gauche antisioniste. L’antisémitisme est partout, et c’est (malheureusement) normal ! A chaque crise du capitalisme ressort l’anticapitalisme romantique qui, rejetant la raison et la science, ne perçoit le capitalisme que de manière détournée, pavant la voie au complotisme et à l’antisémitisme. Les vieux clichés féodaux sur les Juifs «apatrides» et «usuriers» servent à former un bouc émissaire «extérieur» responsable des maux de la société. Cet anticapitalisme-là naît à Gauche et, en se structurant et se faisant de plus en plus «national», fournit un moteur populaire d’une incroyable puissance au fascisme, expression de la domination des monopoles, qui a tout intérêt à diviser les masses, à les mobiliser dans le sens de sa domination nationale et de son agressivité impérialiste, en noyant la lutte des classes.

A bas l’antisémitisme ! A bas le fascisme ! Vive la raison et le progrès !

Vive la Gauche !

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