Municipales en Auvergne : tout reste à faire…
Les municipales en Auvergne ont été l’occasion de voir, comme partout dans le pays d’ailleurs, la catastrophe des municipales pour la Gauche. Quand la Gauche n’a pas perdu ses bastions, elle ne les a que conservés plus ou moins bien, plus ou moins mal, et il ne faut pas leurrer sur la fameuse «poussée verte» d’EELV, parti très bobo, qui réalise de bons scores dans les grandes villes, auprès d’un électorat petit-bourgeois, urbain, intellectuel, et qui s’écarte de plus en plus de la Gauche, affichant une supposée écologie qui serait « ni de droite, ni de gauche », comme des marcheurs verts.
Dans l’ensemble des quatre départements de l’Auvergne, la vague qui a déferlé n’est pas, ainsi que l’annonce la presse après les bons résultats d’EELV à Lyon ou Bordeaux, de couleur verte mais bien de couleur bleue. Parler de « déferlement » n’est d’ailleurs pas le bon terme, puisque cette vague conservatrice s’est simplement laissée porter par le courant. Avec une Gauche inexistante et des classes populaires restées complètement à l’écart, c’est l’Auvergne du « terroir », des notables, des bourgeois, qui s’est exprimée.
La droite a gagné deux préfectures (Moulins et Le Puy-en-Velay) sur quatre et neuf des dix sous-préfectures : Vichy, Montluçon, Mauriac, Saint-Flour, Brioude, Yssingeaux, Issoire, Ambert et Riom. Thiers reste à Gauche, même si moins ouvertement qu’auparavant, ce qui dans une ville historiquement ancrée dans la Gauche ouvrière est tout-à-fait regrettable.
Dans l’ensemble, la Gauche est affaiblie et, si elle conserve certains bastions ou a pu obtenir quelques victoires ça et là, elle est globalement en recul.
Dans l’Allier, le PCF a conservé Désertines et récupéré Bourbon-l’Archambault, mais n’a pas su reconquérir les autres villes perdues en 2014. Alors qu’il a dirigé Varennes-sur-Allier, la droite s’est retrouvée seule en lice ! Si le PS a conservé plusieurs villes où il domine historiquement, il n’a pas pu récupérer Bellerive-sur-Allier, où se présentait son secrétaire fédéral, ni Gannat, où se présentait sa secrétaire fédérale à la formation. Dans ce département, on ne peut saluer que l’élection de Sylvain Bourdier à Commentry. Dans le Cantal, si le PS a conservé Aurillac, Naucelles et Vézac, il a globalement reculé, essuyant de nombreuses défaites. On saluera toutefois le maintien à Gauche de Riom-ès-Montagnes. En Haute-Loire, le PS recule également, tandis que le non-étiquetage des listes dans les petites communes permet de noyer les quelques traces de Gauche dans des « sans étiquettes » indéfinis. Enfin, dans le Puy-de-Dôme, on constate une meilleure résistance du PS ou du PCF, localement, mais force est de constater qu’il y a toujours des pertes (Aubière, notamment) et pas de gain particulièrement marquant.
D’une manière globale, dans toute la région, on note que la Gauche résiste dans les bastions PS et PCF historiques, ou parfois la tradition ouvrière remonte au XIXe siècle. En revanche, non seulement elle ne progresse pas, mais elle continue de connaître des reculs, et est globalement incapable de reconquérir les municipalité perdues la dernière fois. Cela indique son inexistence, en terme d’organisation locale militante et structurée. Là où les bastions demeurent, il ne faut pas se leurrer : s’ils venaient à tomber, ils seraient difficiles à reconquérir, tant les forces de Gauche sont dans les choux.
D’autant que ce n’est pas le seul problème.
Malgré le fait que les municipales sont les élections, avec les présidentielles, qui mobilisent le plus… L’abstention a battu des records. Bien sûr, il y a le COVID-19 qui entre en ligne de compte, beaucoup de gens – probablement autant que de gens qui s’en moquent royalement – préfèrent éviter les espaces réduits et fortement fréquentés par conscience sanitaire, mais il serait erroné de penser que c’en est la seule et unique raison. Le pays tout entier s’enfonce dans une crise du capitalisme, et cela participe au désintérêt pour les élections. Les succès d’EELV dans les grandes villes ne sont pas des grandes victoires de Gauche, bien qu’on puisse se réjouir de l’échec des candidats de droite, mais bien le signe que ce parti repose sur ce qu’on appelle les « classes moyennes », urbaines, intellectuelles, pour tout dire : les bobos. En revanche, d’élection en élection, la participation des masses populaires et notamment des ouvriers, baisse. C’est pourtant ces gens-là dont la Gauche est supposée être l’expression politique. Il est urgent qu’elle retrouve ce chemin-là, si elle ne veut pas abdiquer devant la « gauche » gestionnaire, libérale-libertaire représentée par EELV, ou une ultra-gauche anti-parlementaire, populiste et nihiliste qui est tout autant une impasse. Avec ces deux ennemis internes à l’avant-scène, les masses continueront à se tourner vers l’abstention ou carrément le Rassemblement national, faisant craindre une victoire du nationalisme, et une disparition totale de la Gauche.
Notons également que le Rassemblement national, quant à lui, recule en Auvergne. Ses scores aux municipales ont été plus faibles, parfois à tel point que dans plusieurs villes de la région (Clermont-Ferrand notamment), le parti n’aura aucun élu. Evidemment, c’est une situation dont il faut se réjouir, mais tout en nuances. Il s’agit surtout d’un effet lié au faible ancrage militant à l’échelle locale, et d’un manque d’organisation. Le RN garde cependant un impact trop fort dans les mentalités auvergnates, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines. Les scores du parti aux élections européennes en témoignent… On voit donc à quel point il est capital pour la Gauche de ne pas céder de terrain à la réaction, à quel point il est important qu’elle parvienne à s’organiser largement comme localement, afin d’être en mesure de bloquer la progression du fascisme. Il faut prendre garde à ce que ce recul de façade du RN ne fasse pas oublier son existence à la Gauche, car une Gauche qui baisse sa garde en oubliant où est son ennemi est perdue d’avance.