Grève du 10 décembre en Auvergne : une mobilisation qui doit passer au niveau supérieur
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Si certains travailleurs et fonctionnaires ont, depuis jeudi dernier, cessé le travail, ce mardi devait marquer la mobilisation contre la réforme des retraites par de nouvelles manifestations et un appel à la grève.
De fait, le mouvement continue à être suivi par une partie de la population. Il y a eu plusieurs cortèges assez suivis dans toute l’Auvergne, que ce soit à Clermont-Ferrand (5 500 personnes selon la préfecture, 12 000 selon les syndicats), Le Puy-en-Velay (2 500 manifestants), Vichy (1 000), Moulins (1 050), Montluçon (1 500) ou Aurillac (700). Dans toutes les villes se sont mêlés des manifestants venus du public (les employés de la Banque de France), et notamment des enseignants (800 membres de la FSU venus pour leur congrès national), mais aussi du privé (comme avec les travailleurs des fonderies PSA, les employés de Michelin, Trelleborg, Luxfer, Constellium, des papeteries D’espaly ou des plasitques Guérin). Par ailleurs, très peu de trains circulaient en Auvergne, puisque 85% des TER étaient annulés.
Plusieurs syndicats avaient appelé à manifester : la CGT, la FSU, SUD, l’UNSA, FO, ou encore l’UNEF. Des militants du PCF, de Génération.s, du MJCF, du PS ou d’EELV ont également participé. De leur côté, certains « gilets jaunes » étaient aussi présents, comme à Clermont-Ferrand, où un appel à bloquer le péage de Gerzat a été lancé.
Comme on le voit, si la mobilisation se maintient de manière tout-à-fait honorable, les chiffres sont un peu plus faibles que la dernière fois. Ce qui pose une question essentielle : comment renforcer le mouvement, le maintenir et le développer ?
Nous disions dès jeudi dernier qu’il fallait que le mouvement prenne une tournure politique, et que c’était à la Gauche qu’en revenait la responsabilité. C’est une évidence : si la mobilisation se maintient comme lutte syndicale, elle risque l »essoufflement, à plus ou moins long terme. Outre que tous les travailleurs ne peuvent pas se permettre de faire grève sur la durée, la nature même du syndicalisme empêche un développement, en particulier dans l’état où il se trouve aujourd’hui en France. En effet, le taux de syndicalisation est très faible dans notre pays, et quant aux directions syndicales, elles cherchent toujours la négociation avec l’Etat ou le patronat, pour préserver d’une manière plus ou moins corporatiste (selon le syndicat) les maigres avantages des secteurs où ils pèsent. Dès lors, si le mouvement se maintient comme mouvement syndical, il risque de ne pas décoller et de s’engoncer dans des manifestations toujours plus folkloriques, bien délimitées, bien cadrées.
Faut-il alors rejeter totalement les syndicats et faire comme les gilets jaunes, qui refusent toute forme d’organisation structurée, ou de définition politique précise ? Certainement pas ! Il n’est qu’à voir les incohérences et travers de ce mouvement pour voir qu’il ne mène à rien qui puisse s’opposer à la droite au pouvoir (ou même à l’extrême-droite qui attend en embuscade). Comment peut-on prétendre s’opposer au gouvernement conservateur et libéral d’Edouard Philippe et Emmanuel Macron lorsqu’on défile avec un casque « gaulois », un drapeau tricolore ? Comment peut-on croire une victoire possible sans organisation, sans structure ? Comment peut-on lutter contre la droite alors qu’on refuse de s’affirmer de Gauche ? Comment peut-on lutter contre les capitalistes, quand on mélange sans distinction des petits patrons, des fonctionnaires et quelques rares ouvriers, au nom d’une régénération nationale fantasmée et à la logique référendo-plébiscitaire ?
Ce qu’il faut, c’est que la Gauche se réveille et réaffirme la primauté de la politique ! Qu’elle cesse de simplement suivre les syndicats pour se donner l’impression de lutter, mais qu’elle soit en mesure de montrer la voie, y compris aux syndicats, justement. Les syndicats font du syndicalisme… la Gauche doit faire de la politique ! Elle doit renouer avec la volonté de proposer une nouvelle société, avec le développement d’une contre-culture opposée à celle, dominante, de la droite, avec le mouvement ouvrier !
Car évidemment, il ne s’agit pas de critiquer les syndicats ou de rejeter la non-organisation générale des GJ uniquement pour dire qu’il faut soutenir la gauche électoraliste, dont les trahisons sont régulières. Il s’agit de faire renaître la Gauche historique, celle dont l’unité repose sur la classe ouvrière, celle qui est capable d’entraîner jusqu’aux classes dites « moyennes » tout ceux qui s’opposent à la domination des grands monopoles capitalistes, à la gestion technocratique du pays pour les intérêts privés de la haute bourgeoisie, à la culture social-darwiniste et individualiste de la Droite.
C’est la responsabilité historique de la Gauche d’œuvrer à l’affirmation d’une telle ligne car sinon, la droite nous écrasera et l’extrême-droite saura prospérer en détournant la colère sociale vers sa démagogie sociale, son corporatisme et son autoritarisme nationaliste.