Mobilisation contre la réforme des retraites : dépasser le syndicalisme et réaffirmer la politique !

Ce jeudi, comme partout en France, l’Auvergne a vu plusieurs manifestations se dérouler, tandis que de nombreux travailleurs avaient décidé de faire grève.

Les chiffres sont, pour notre région, relativement importants : 15 000 personnes dans les rues de notre capitale, selon la préfecture. Il y en a eu 8 000 au Puy-en-Velay ; 2 000 à Vichy ; 2 500 à Montluçon ; 500 à Issoire ; 2 400 à Moulins. On peut dire que ça fait du monde, surtout si on prend en compte l’habituelle sous-évaluation de la préfecture.

Comme partout ailleurs, le transport ferroviaire a été grandement impacté par la grève, de nombreux trains ayant été supprimés, plusieurs gares n’étant pas desservies par les trains restants et quelques rares autocars ayant été mis en place pour compenser. Et cela semble parti pour durer, au point que Laurent Wauquiez, dont on avait presque fini par oublier l’existence, a décidé d’indemniser les abonnés TER. On aimerait qu’il soit tout aussi réactif pour sauver les petites gares et les petites lignes menacées de notre région

Plus concrètement, si l’on se penche sur les manifestations, et notamment celle de Clermont-Ferrand, la plus importante, on voit que l’Auvergne a suivi la logique nationale : une mobilisation fondamentalement syndicale, avec la Gauche qui se range derrière de manière unilatérale, de même que des populistes « insoumis » ou « jaunes » et un peu d’ultra-gauche.

Si les plus récentes mobilisations étaient placées sous le signe du populisme « jaune », celle-ci est revenue au style syndical très traditionnel, avec une CGT très présente, mais aussi, évidemment, FO, SUD-Solidaires, ou la FSU. Plusieurs forces politiques et leurs élus avaient également appelé à participer à ce mouvement, se rangeant pour ainsi dire derrière les syndicats, comme le PCF (André Chassaigne était d’ailleurs présent aux côtés des élus de son parti), Génération.s, le Parti socialiste, Lutte ouvrière, etc. Globalement, venant des organisations politiques, le discours est sensiblement le même : « la réforme est injuste, les syndicats appellent à la mobilisation : nous soutenons totalement ». C’est, à peu de choses près, ce que chaque groupe a annoncé.

Et c’est bien le problème ! Ca peut sembler sympathique, mais ce n’est qu’un signe de grande faiblesse de la Gauche. Comme c’est la triste tradition en France, la Gauche politique se range derrière les syndicats, ou emprunte simplement leur discours. Ce n’est pas à la hauteur des enjeux, et c’est surtout la porte ouverte à un échec terrible. Les syndicats et leurs directions portent, c’est le principe de base, un discours économiste et entendent, à terme, négocier directement le maintien des divers avantages aujourd’hui menacés par la réforme libérale du gouvernement. C’est bien… mais ça ne peut que virer au populisme et au corporatisme s’il n’y a pas de réelle ligne politique de Gauche pour porter l’ensemble. Tant que les partis de Gauche ne porteront pas un discours politique, affirmant une ligne, un changement de société, une perspective culturelle, et se contenteront de se soumettre à l’économisme syndical, il laisseront le terrain libre pour les populistes.

C’est d’ailleurs ce qui s’est produit, avec la présence – certes restreinte – des « gilets jaunes » dont nous avons déjà eu l’occasion de pointer le vide politique qu’ils représentent. Comment certains à Gauche peuvent-ils parler de « convergence des luttes » avec ce mouvement informe ? La France insoumise était aussi de la partie, avec le projet populiste affiché d’utiliser cette mobilisation comme une forme de plébiscite anti-Macron (c’est d’ailleurs le sens des yeux doux faits de manière immonde par Mélenchon au parti fasciste de Le Pen). Il est d’ailleurs à noter que la menace est d’autant plus grande que le RN soutenait indirectement le mouvement, soucieux de capter tout mouvement social et de l’arrimer à son projet nationaliste. La réaction profite de l’apolitisme et du corporatisme pour se renforcer : affirmons la politique et le socialisme !

De plus, on ne peut que pointer les réactions ultra-enthousiaste de ceux qui jugent déjà le mouvement « historique », alors que les chiffres montrent que malgré son importance relative, il n’est en rien inédit. La Gauche s’enivre de syndicalisme, persuadée qu’elle peut se montrer active à peu de frais, sans penser politiquement. Les échecs n’en sont que plus douloureux !

Face aux agressions libérales, face au populisme chauvin, face à l’apolitisme ambiant, il est impératif que la Gauche relève le drapeau de la politique, et s’affirme culturellement et politiquement comme l’expression organisée des masses populaires souhaitant bâtir une société nouvelle. Pour cela, elle doit tourner le dos au spontanéisme, au populisme, et porter l’idée que les masses populaires doivent s’organiser à la base : il nous faut des assemblées générales formées par les travailleurs !

Les masses ont bien compris que le projet gouvernemental est néfaste. A nous de ne pas laisser ce mouvement sombrer dans l’apolitisme, l’économisme et le corporatisme. Le mouvement semble parti pour durer… il n’y a donc pas de temps à perdre !

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