Communiqué n°5 = les élections régionales
Les élections régionales approchent et les raisons de se réjouir s’éloignent au même rythme.
Un mot tout d’abord sur les régions en elles-mêmes. Depuis la réforme de François Hollande, les régions françaises sont de gigantesques blocs sans unité historique, économique, populaire et démocratique. « Auvergne-Rhône-Alpes » : qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’ont de commun Cérilly, dans l’Allier, la gigantesque ville de Lyon, Aurillac et Grenoble ? L’objectif de tout cela était de former de grandes régions dans la logique de l’Union européenne, chacune étant en concurrence avec les autres sur le terrain de l’« attractivité », c’est-à-dire du capitalisme. C’est là tout le sens de la décentralisation qu’on nous vante comme un progrès démocratique alors que c’est précisément le contraire.
A la tête de notre grande région, c’est la droite réactionnaire qui domine, avec Laurent Wauquiez comme président. Ce détestable personnage, toujours prompt à se mettre en avant, dont le cynisme et la duplicité politicienne est de notoriété publique, représente tout ce que la Gauche doit détester : opportunisme, populisme, clientélisme, chasse, « terroir », défenseur acharné du capitalisme, y compris et surtout dans ce qu’il a de plus destructeur de la nature. Face à ce qu’il représente et à la menace que représente le Rassemblement national (il ne faut à ce sujet pas oublier l’implantation massive de l’extrême-droite dans la ville de Lyon), la Gauche avait tout ce qu’il lui fallait pour s’unir et pour affirmer la voix du progrès, de la démocratie et du peuple.
Au lieu de cela, ses restes partent divisés.
Cécile Cukierman, cheffe de file du PCF, se représente, cette fois en alliance avec la France insoumise (qui n’existait évidemment pas la dernière fois). En 2014, elle avait formé un binôme avec André Chassaigne. Il est quand même révélateur de voir que la France insoumise, qui avait essayé de concurrencer le député de Thiers aux dernières législatives pour lui faire payer le prix de son refus de soutenir le sauveur suprême Mélenchon, qui proclamait que le mot « gauche » ne voulait plus rien dire, que le PCF était « la mort et le néant » vienne soudain s’allier au PCF, car incapable d’assumer l’échec de sa ligne populiste aujourd’hui en déclin certain. Mme Cukierman défend avec sa liste le bilan de son groupe d’opposition au conseil régional et porte un projet tout-à-fait dans l’esprit du PCF, centré sur les questions sociales. Elle veut représenter une « gauche sincère qui ne renonce pas ».
Le Parti socialiste présente lui la candidature de la très carriériste et centriste Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre sous François Hollande et Manuel Valls. Diffusant dans la presse son discours creux au possible, elle veut se présenter en « rassembleuse de la gauche », mais qui croit-elle convaincre ? Elle représente ce que la Gauche ne veut plus et n’aurait d’ailleurs jamais dû accepter dans ses rangs. Cette gauche-là, bourgeoise et urbaine, n’a rien à voir avec les racines historiques de la gauche et est complètement coupée des masses populaires, comme l’indique le récent sondage montrant que Marine Le Pen ne ferait qu’une bouchée d’Anne Hidalgo, si seuls les électeurs des « classes populaires » votaient.
Enfin, Fabienne Grébert, élue EELV, entend représenter dans notre grande région la vague qui serait en train de monter en faveur d’une « nouvelle majorité écologiste » portée par son parti et aspirant à diriger l’Etat. Partie tôt en campagne, elle aussi a appelé au rassemblement, derrière elle évidemment. Génération-s, qui a raté son objectif premier qui était d’être le moteur du rassemblement à gauche, s’est rallié à EELV et à son « pôle écologiste » au niveau national comme au niveau local. Les autres membres de ce pôle sont… d’anciens macronistes repentis, ou des gens liés à cette écologie dite « ni de droite ni de gauche », c’est-à-dire de droite : Génération écologie, historiquement liée au centre et au centre-droit, qui proclame son rejet du socialisme ; le Mouvement des progressistes, membre de la majorité présidentielle, récemment repenti et toujours aussi opportuniste ; Cap écologie porté par l’ancienne ministre de droite Corinne Lepage et Jean-Marc Governatori, patron, millionnaire, de droite, tentant régulièrement de se lancer en politique, et ayant eu des liens douteux avec des sectes. Dans son « rassemblement », Mme Grébert entendait donner à cet attelage de petits partis droitiers un cinquième des places, contre 1/5 pour EELV, 1/5 pour des « citoyens » pro-EELV, 1/5 pour le PS, et 1/5 pour le PCF et le PS.
Tout cela n’est pas sérieux et prépare la réélection tranquille de Laurent Wauquiez, car il ne fait peu de doute qu’il sera réélu avec une telle gauche, de surcroît aussi divisée et aussi floue. Chacun part de son côté, appelant les autres à se rallier, ouvrant ses portes aux opportunistes les plus éhontés… C’est pitoyable. D’autant que si la défaite de la gauche va permettre à Wauquiez d’être réélu, elle va aussi donner de l’air à l’extrême-droite.
Celle-ci, outre la petite candidature de Gerbert Rambaud (DLF), est représentée par Andréa Kotarac, issu du Parti socialiste, du Parti de gauche, de la France insoumise, puis fondateur du Parti localiste, soutenu par le Rassemblement national auquel il s’était rallié aux élections européennes, et au sein duquel il a noué des liens avec la branche nationale-catholique liée à Marion Maréchal. La ligne qu’il porte désormais est un savant mélange de populisme à prétention sociale et d’un nationalisme organique et localiste, sur le mode pétainiste de la « terre qui ne ment pas ». C’est littéralement du fascisme et il est effrayant de constater qu’il a tout pour se développer en Auvergne (et également dans une bonne partie de Rhône-Alpes). La gauche s’étant effondrée, le créneau « social » est libre et il n’est qu’à voir les scores du Front/Rassemblement national dans les zones ouvrières pour réaliser l’ampleur de la menace. De surcroît, dans un région encore très rurale, où la gauche ne voit pas ce qu’il y a de réactionnaire à mettre en avant le particularisme et les traditions (des élus de gauche à la fête du cochon, ou saluant le salon local de l’agriculture, comme le premier militant FNSEA venu), il est certain que le discours localiste peut séduire. On ne compte pas ces hippies de droite qui font leur « retour à la terre » dans une optique réactionnaire, de petit capitalisme, avec le sentiment d’exister vraiment, de « retrouver des valeurs saines » en martyrisant simplement des bêtes à petite échelle.
L’horizon auvergnat n’en finit plus de s’assombrir. L’éclaircie progressiste est lente à venir. Trop lente.