Sur l’union « des gauches et des écologistes »

Depuis quelque temps, des militants, sympathisants ou même partis politiques de Gauche appellent à une « union de la gauche et des écologistes », ou à une « union des gauches et des écologistes ». « Union », « Gauche », « Ecologie » : voilà bien trois mots que nous apprécions grandement. Et pourtant, cette formulation (dont la fameuse « union des rouges et des verts », qui inclus parfois les « roses, n’est qu’une variante) pose problème, à bien y regarder.

L’expression « Union de la Gauche », qui date du rapprochement entre le PCF et le PS de François Mitterrand, exprimait la volonté de réunir une grande famille dont les frères ennemis s’entre-déchiraient (en réalité, le PS a surtout voulu satelliser le PCF… et il y est parvenu). Il était considéré que, malgré leurs divergences, ils appartenaient finalement au même camp : la Gauche. D’où ce singulier. La désunion apparaissait ici (ou était présentée comme telle) comme une anomalie à corriger.

Certains parlent « DES Gauches » et, que ce soit pour simplement le constater ou dans une volonté d’unité, pointent la diversité qui existe entre les différents courants qui existent de ce côté-là de l’échiquier politique. Exit le singulier : plus d’histoire commune mais plusieurs histoires indépendantes qui sont simplement du même bord. La nuance vous semble légère ? C’est qu’il faut se demander de quelle histoire on parle. Au singulier, l’Histoire de la Gauche, c’est le mouvement ouvrier. Il est considéré que, malgré des différences d’appréciation, l’origine ouvrière réunit tout le monde. Avec la thèse « des » gauches, c’est finalement cette unité originelle qui oubliée, effacée. Au profit de quoi ? D’un libéralisme relativiste, où on pointe les particularismes, dont chaque élément vaudrait bien les autres.

Ainsi, quand l’union de la Gauche implique un contenu politique, l’union des gauches implique au contraire un rassemblement de chapelles au nom du relativisme idéologique : « vous êtes tous différents, séparés, mais vous pouvez bien vous entendre un peu ». Ca se rapproche également du « frapper ensemble, marcher séparément » du trotskysme, d’ailleurs : des alliances par en-haut entre des structures politiques, ponctuellement, mais pas d’unité à la base. Les masses populaires étant supposées choisir la meilleur fraction pour diriger le mouvement.

Et les écologistes, là-dedans ? Vouloir les unir à la Gauche implique qu’il lui soient extérieurs. Et s’ils ne sont pas de Gauche, c’est donc qu’ils penchent à droite. Dans ce cas, unir des droitistes à la Gauche paraît pour le moins saugrenu… Cela implique aussi que l’écologie serait étrangère à la Gauche… et donc, encore une fois, que l’écologie pourrait pencher à droite. A moins de considérer qu’elle serait « hors du clivage gauche-droite ». L’écologie deviendrait ici un mythe mobilisateur apolitique et, de fait, on voit bien que certains tentent de porter ce message.

L’autre grille de lecture est électorale : « l’union des gauches et des écologistes » voudrait simplement dire « union de ce qui reste de la gauche derrière EELV qui semble avoir le vent en poupe, pour essayer de sauver les meubles ». EELV n’étant pas claire sur son appartenance à la Gauche, cet opportunisme confine au suicide politique.

Enfin, cela peut n’être qu’une formulation maladroite pour exprimer la volonté d’une Gauche unie dont le cœur idéologique aurait une forte dimension écologique. Dans ce cas, c’est évidemment beaucoup plus défendable. Plus que ça, c’est même incontournable.

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