Les municipales à Clermont-Ferrand : la droite doit être écartée.
Neuf listes devraient s’opposer à Clermont-Ferrand pour ces municipales.
Le maire sortant, Olivier Bianchi, conduira la liste « Naturellement Clermont », rassemblant le Parti socialiste, Europe Ecologie – Les Verts, le Parti communiste français, Génération.s, Nouvelle donne, Place publique, et le Parti Radical de Gauche – le Centre-Gauche. A Gauche, on trouvera aussi la liste de Marie Savre, « Lutte ouvrière, faire entendre le camp des travailleurs » et celle de Marianne Maximi, « Clermont en commun », soutenue par la France insoumise. Philippe Fasquel conduira la liste « Faisons Cause Commune », sur une ligne très « gilet jaune ». A droite, Eric Faidy représentera LREM et ses menus alliés, et Jean-Pierre Brenas (allié au MoDem Michel Fanget) représentera Les Républicains et, notamment le Pari Chrétien-Démocrate. Enfin, à l’extrême-droite, on retrouvera le Rassemblement national représenté par Anne Biscos, et Les Patriotes par Steven Seksek.
Olivier Bianchi se place dans la tradition socialiste clermontoise, puisque le PS y domine depuis la Libération, mais se veut ouvert aux enjeux écologiques : il s’affirme « social-démocrate-écologiste ». Si on connaît l’opportunisme pur et la nullité politique de Nouvelle donne, Place publique ou, encore plus, du PRG-CG (« à droite du centre-gauche et à gauche du centre-droit », comme dirait l’autre), il faut s’arrêter quelques instants sur les trois autres partis qui ont rejoint le PS, oui qui poursuive leur alliance avec lui :
- Le PCF (dont certains des membres semblent déçus de cette alliance) est, comme dans moult autres communes, très ancré dans la stratégie dite d’union de la Gauche. Il est devenu un parti de la gauche réformiste, comme une aile gauche du PS dont il ne parvient plus à se défaire. Faire cavalier seul serait très risqué, car le parti est très affaibli. Sa position est fragile : d’un côté, il faut préserver ses élus, de l’autre, il faut se démarquer du PS. En tous les cas, le PCF n’entend plus participer (et ce n’est pas une spécificités clermontoise) à la stratégie populiste du PG ou de la FI. Conscient du danger que représente la fracturation de la Gauche, ce parti évite l’aventurisme et entend oeuvrer à maintenir la gauche réformiste à gauche, formulant une volonté d’union qui ne soit pas purement tactique.
- Encouragé par son bon score aux élections européennes (15,61% à C-Fd), EELV semble avoir envisagé de se lancer de manière autonome. Les critiques pleuvaient sur la médiocrité écologique du maire sortant. Toutefois, après un accord électoral plus que favorable (en terme de places éligibles, notamment), le parti « écolo » a finalement rejoint la liste d’Olivier Bianchi.
- Concernant Génération.s, les choses sont moins compliquées. Ce parti s’est créé en rupture avec le quinquennat de François Hollande, mais est issu du Parti socialiste. A ce titre, si ces militants ont sévèrement critiqué le ralliement de nombreux socialistes à Emmanuel Macron, ou une certaine ambiguité à son égard, ils entendent clairement se placer au cœur de la Gauche réformiste. Une rupture avec Olivier Bianchi n’aurait pas eu la moindre logique de leur part, et aurait précipité leur parti dans l’oubli. Cependant, le parti a présenté un programme municipal détaillée, afin de peser politiquement sur les orientations de l’union derrière M. Bianchi.
Lutte ouvrière, on le voit au nom de sa liste, reste sur les positions nationales de ce parti : union avec personne, mise sur le même plan de tous les autres partis, considérés comme « bourgeois », et discours para-syndical très économiste. LO veut « porter la voix des travailleurs ». Et c’est exactement ça : LO joue le rôle d’un porte-voix syndical de manif’, mais oublie toute considération politique ou culturelle. D’ailleurs, Marie Savre revendique ne pas avoir un programme particulièrement ancré dans la réalité clermontoise, et utiliser ces élections pour se faire entendre.
Marie Savre sait bien que le combat municipal n’est pas gagné: « Mais toute élection est l’occasion de défendre nos idées. Seule une victoire ouvrière peut s’opposer à la politique libérale du gouvernement. »
Voir La Montagne.
LO ne s’appuie pas directement sur un programme clermontois: « les municipalités n’ont pas de marges de manœuvre. C’est le gouvernement qui décide des moyens. Actuellement, parmi les autres candidats, c’est la course aux promesses. On peut être sûrs qu’elles ne seront pas tenues. Nous voyons les choses plus globalement. Par exemple, concernant la gratuité des transports en commun, nous considérons que ce sont aux entreprises de payer car ils sont majoritairement empruntés pour aller travailler. »
La Montagne.
Passons à la France insoumise. Face au réformisme de la majorité sortante, la liste de Marianne Maximi entend porter une radicalité critique sur un ton très classique à la France insoumise. Les critiques à l’égard de la trop grande influence du capitalisme dans la politique de la ville ou sur le manque de démocratie dans la gestion de celle-ci est parfaitement légitime et pourrait servir de base à l’affirmation d’une ligne de Gauche solide. Cette radicalité est toutefois assez étrangère à la Gauche et aux valeurs du mouvement ouvrier. Là où commence à poindre une critique du capitalisme… on bifurque vers la dénonciation romantique et populiste d’une « oligarchie », des « multinationales », du « lobby de l’argent ». La démocratisation est vue comme une décentralisation. C’est finalement du proudhonisme réchauffé : anticapitalisme romantique et mise en avant de petites structures. De plus, cette liste met en avant « les mouvements sociaux, les mouvements écologiques, les mouvements citoyens, des forces syndicales, des mouvements politiques », ce qui est une forme d’apolitisme. Il y aurait des partis d’un côté, des syndicats de l’autre, des mouvements « citoyens » (qu’est-ce donc ?), etc., chacun s’occupant de son domaine, mais tous s’allieraient… On retrouve les vieux discours de l’altermondialisme. On est loin de la conception d’une Gauche politique qui entraîne derrière elle les syndicats ou qui permettrait d’organiser les masses populaires. Ici cette auto-organisation populaire est comprise comme une dialogue entre des petites structures associatives ou syndicales, comme une addition « horizontale ». Cet apolitisme et cet éloignement d’avec la Gauche mène à la mise en avant du mouvement des Gilets jaunes, manifestation s’il en est de cet apolitisme refusant l’organisation structurée, préférant la logique référendaire à la démocratie organisée, l’addition des révoltes individuelles à l’action politique collective… La France insoumise aime les Gilets jaunes pour ça : ils protestent contre la société mais ne portent pas de rupture avec elle. La France insoumise non plus, mais son fond de commerce est le discours protestataire.
La logique populiste est également portée par une autre liste, celle de Philippe Fasquel (issu de Greenpeace) « Faisons Cause commune », à forte coloration « jaune« . Cette liste revendique être « non-partisane », « ni de droite, ni de gauche », « ouverte à tous », « citoyenne », etc… c’est-à-dire populiste en diable et profondément apolitique, malgré les grandes tirades sur leur attachement à une « éthique ». Leur modèle : les Gilets jaunes, le mouvement #MeToo, les marches pour le climat… bref, tout ce qui rassemble du monde pour protester sans s’organiser et sans réellement proposer quoi que ce soit. Cette liste s’adresse d’ailleurs à des individus, « quel que soit leur parcours », dans l’objectif de ratisser large, tout en prétendant incarner un mouvement de fond qui serait sur le point de fondre sur le pays pour le régénérer.
A droite, deux candidats s’opposent : Eric Faidy, désigné par LREM, et soutenu par Agir, le Mouvement radical, l’UDI 63 et 1.000 % Citoyens, porte la liste « Ensemble transformons Clermont-Ferrand » ; Jean-Pierre Brenas, LR, et sa liste « Révéler Clermont » soutenue par le Parti chrétien-démocrate, Objectif France, Libres ! et… le MoDem de Michel Fanget, initialement candidat autonome mais lâché par ses troupes, lui préférant Eric Faidy.
Ce dernier, cadre chez Michelin (quel beau symbole…) se présente comme celui qui sera le « premier maire écologiste de Clermont-Ferrand ». Il bénéficie pour cela du soutien de Pascal Durand, l’écolo-marcheur. Il propose pour cela de végétaliser la ville et d’y aménager des zones « naturelles » ou « favorisant la biodiversité ». Cela peut sembler attrayant mais on retrouve surtout chez lui le discours libéral très macroniste. Passons sur les « conseils citoyens » très en vogue chez divers maires ou candidats et se résument par la phrase « cause toujours ». Passons sur l’utilisation à outrance de l’anglais (il veut créer une « Green Valley » et un « Mobility Village »…). L’idée centrale et de faire de Clermont une ville touristique pour favoriser les profits des entreprises. Tout y passe : restructuration des quartiers pour y développer le commerce, ouverture le dimanche, favoriser l’implantation d’enseignes qui « apportent de la valeur au tissu commercial », développer la création de commerces… M. Faidy veut également créer des « ambassadeurs » de la ville, parmi lesquels il entend placer des entrepreneurs. Un « super représentant » sera chargé d’attirer les industries compatibles avec sa « green économie », et la communication en faveur de cette dernière devra être « offensive ». En clair : toute la politique de la ville doit être orientée au service du capitalisme. Revoilà donc le mythe du « capitalisme vert », ou plutôt du « greenwashing » (nous aussi, nous pouvons parler anglais) au service des profits privés.
Jean-Pierre Brenas se veut un peu écolo sur les bords, lui aussi, mais il représente la droite classique : libérale en économie, sécuritaire au possible, conservatrice et viscéralement anticommuniste. A l’entendre, Clermont-Ferrand serait la capitale du crime, des meurtres et des viols. Notre capitale, sous l’emprise des « socialo-communistes » (une expression qu’on n’entend guère plus que chez Jean-Marie Le Pen et autres gâteux fascistes d’un autre temps) devrait être libérée. Elle… et les entreprises, évidemment. M. Brenas le proclame : « foutez la paix aux entreprises ». Quoi de surprenant de la part de celui qui salue son « ami » Brice Hortefeux, plusieurs fois poursuivi par la justice, et même condamné, qui s’illustra jadis comme ministre de l’immigration et de l’intérieur de Nicolas Sarkozy, autre repris de justice bien connu et, plus accessoirement finalement, ancien président. M. Brenas rend également des hommages appuyés à la politique régionale de Laurent Wauquiez, son modèle en quelque sorte.
Quelle belle référence que notre président de région ! Un président de région qui tire un trait d’égalité entre l’extrême-droite et la gauche la plus modérée. Un président de région proche de la Manif pour tous épinglé dans le passé pour des propos homophobes. Un président de région autocrate et clientéliste qui subventionne et appuie ses proches en priorité : sa commune, les chasseurs, le syndicat UNI, la FNSEA, les maires qui refusent d’accueillir les réfugiés, les maires de son bord, le MEDEF local (alors que, de son propre aveu, ça ne sert à rien)… Une bien belle référence ! Jean-Pierre Brenas escompte-t-il prendre Wauquiez en modèle jusqu’au bout et administrer la capitale auvergnate à distance ?
Si dans La Zizanie, Louis de Funès campait un maire qui assénait « mon programme en trois points : premièrement, le plein emploi, deuxièmement le plein emploi et troisièmement, le plein emploi ! », Jean-Pierre Brenas pourrait résumer le sien en répétant de la même manière « la sécurité, la sécurité, la sécurité ». A l’entendre, la ville de Clermont-Ferrand serait devenue une zone de non-droit : « Attaques, viols, meurtres en plein centre-ville… Les Clermontois sont inquiets. ». A cela, il a une solution. La même que Robert Ménard, le maire d’extrême-droite de Béziers : armer les policiers municipaux, étendre leurs horaires d’intervention à la nuit et les placer plus directement sous les ordres du maire.
Tout récemment, M. Brenas a été rejoint par Michel Fanget, le malheureux candidat du MoDem, qui peinait à faire campagne, ses maigres troupes soutenant majoritairement Eric Faidy. A titre d’anecdote, on peut préciser que Daniel Mathat, leader de la Gauche Moderne 63, qui soutenait E. Faidy, lui a retiré son soutien et appelle désormais à une union de l’opposition pour battre Olivier Bianchi.
Les Patriotes se sont trouvés un candidat, en la personne de Steven Seksek, qui se veut souverainiste mais ni nationaliste, ni raciste. Il a pourtant été membre du Front national, et colistier d’Anne Faurot aux législatives (le FN avait récolté 24,23% dans le premier canton de Clermont). Membre de l’Union des patriotes français juifs (créée par un cadre policier CFTC proche de Louis Aliot), il a même le culot de revendiquer une lutte de sa part contre le nationalisme et le fascisme.
Enfin, le Rassemblement National, qui semble avoir eu quelques difficultés pour établir sa liste, a finalement présenté la candidature d’Anne Biscos, ex-candidate aux législatives.