Le combat féministe coupé de la politique
Plusieurs groupes de militantes contre le féminicide ont décidé de se mobiliser afin de provoquer une prise de conscience générale face aux violences faites aux femmes. Organisées pour agir la nuit, dans la mesure où l’affichage sauvage est puni par la loi, ce sont ainsi plusieurs slogans tels que « Etre femme tue », « Plus écoutées mortes que vivantes », ou « 30 féminicides avant Noël » qui ont été placardés dans les rues clermontoises.
S’il va de soi que la cause féministe est d’une importance capitale, on peut cependant rester critique avec la pratique employée par ces femmes pour lutter. On peut ainsi lire dans la presse locale que l’une de ces militantes pense que « c’est quelque-chose de simple et d’unique », et qu’elles ne sont « rattachées à aucun mouvement existant », que « les gens peuvent s’y greffer sans devoir adhérer à une batterie d’idées. Juste avoir envie de dénoncer les féminicides ».
On touche ici au fond du problème de la démarche : comment se battre contre le patriarcat, contre la violence injuste que subissent les femmes, sans faire de politique ? La question féministe serait-elle coupée du reste de la société ? Lutter pour le féminisme serait quelque-chose de « simple et d’unique » ?
Le style agressif des slogans est assumé, et il est louable de chercher à exprimer l’horreur de cette violence, mais cet apolitisme sur fond de révolte n’est pas sans rappeler la méthode « Gilets jaunes », où le principal serait finalement de dénoncer, d’exprimer sa colère (aussi justifiée soit-elle), en croisant les doigts pour que le reste suive. Ceci n’est pas un travail de fond, culturel. C’est une tentative de générer dans le peuple un électrochoc, une prise de conscience soudaine et immédiate de la réalité du problème. Un peu comme les campagnes de sensibilisation « hardcore » de la sécurité routière qui veulent choquer en espérant changer les comportements, sans penser qu’il s’agit en fait de tout un pan de la culture à révolutionner. C’est pourquoi l’effet recherché par ce type de sensibilisation n’est souvent pas atteint : sans révolution sur le plan culturel, sans lutte contre le capitalisme atomisant la culture et les valeurs démocratiques au sein même des masses, les comportements ne changeront pas. Refuser la prise de position politique pour affirmer le féminisme revient donc à neutraliser ses chances de réussir à transformer la société. Ce n’est pas qu’une question de moyens financiers.
Il faut ainsi affirmer le besoin de démocratie, et mettre en avant des valeurs démocratiques, pour lutter plus efficacement contre le problème. L’erreur est donc de considérer le féminisme comme une lutte en soi, alors que c’est un des nombreux aspects d’une même lutte pour le socialisme, contre le capitalisme déformant les rapports entre les gens, détruisant la démocratie au sein du couple comme dans la société toute entière.