La mobilisation du 16 juin

Hier, dans toute l’Auvergne, le personnel soignant était mobilisé pour dénoncer ses conditions de travail déplorables, ainsi que l’état général de l’hôpital public.

Ainsi, à Clermont-Ferrand, un millier de personnes étaient présentes, quatre cents à Vichy, trois cents à Moulins, une centaine à Issoire, deux cents cinquante à Montluçon, trois cents à Aurillac, tandis qu’il y avait également un rassemblement près de la statue de Goldorak à Thiers.

Partout, l’état d’esprit était le même : les soignants, particulièrement exposés depuis le début de l’épidémie, dénoncent la logique capitaliste qui détruit l’hôpital et ses travailleurs. Plus qu’une reconnaissance verbale qui ne mange pas de pain, des primes et des médailles, c’est bien la nécessité de tout revoir de fond en comble qui est mise en avant. Les soignants se sentent abandonnés et trahis, face à la poursuite du démembrement de l’hôpital à coups de restructurations et de fermetures. L’hypocrisie du Ségur est également dénoncée :

« Une mascarade, estime-t-on dans les rangs syndicaux. Nous exigeons une augmentation du point d’indice, un arrêt des fermetures de lits, un arrêt des suppressions de personnels. »

Quant aux médailles et aux primes, elles ne reçoivent pas non plus un accueil chaleureux :

« Ce que l’on demande, c’est 1 500 (€) pour tous et tout de suite […] mais pour l’instant, rien n’est arrivé sur le compte en banque. On l’avait annoncée sur la paye d’avril, puis de mai, puis de juin ; personne ne sait nous dire combien on va toucher : on nous parle de 1 500 mais aussi de 1 000 ou de 500 euros pour d’autres. »

C’est là une tâche importante, et les estimations avancées par les syndicats le laissent bien entendre : la CGT du Cantal évoque un montant nécessaire de trente milliards ! C’est que le secteur de la santé est, dans notre pays, dans un triste état et les nombreux témoignages s’accordent tous à le dire. Quant à la pressurisation du personnel soignant, elle est terrible.

« On demande depuis des mois, des années, des moyens humains et matériels pour prendre en charge tous les malades et les résidents dans les Ehpad. Là, on a été en tension sur tout, en effectifs, en matériel, en lits, en médicaments…  »

Un syndicaliste

« Le service de réanimation de Vichy date des années 1975 et il n’a connu qu’un rafraîchissement en 1983. L’architecture n’est pas adaptée. Ce n’est pas un service de réa, mais un service conventionnel équipé de respirateurs et de monitorings […] la superficie d’une chambre doit être de 25 m2 en principe, et on est largement en dessous. Un projet de rénovation a été poussé et repoussé. Il faut des investissements ! »

Ramin Ravan, chef du service de réanimation (où huit soignants sont tombés malades pendant la crise)

Le personnel des laboratoires GenBio étaient également mobilisé. Le personnel est a bout de souffle, épuisé par des horaires lourds (8h/22h), des salaires bas alors que la charge de travail s’accroît sans cesse, le tout avec un mépris affiché de leur direction.

Le secteur de la psychiatrie était aussi présent, avec le personnel de l’hôpital Sainte-Marie, qui défendait, entre autres, son refus d’un écart entre privé et public, les disparités salariales étant toujours très marquées.

On le voit, la situation est catastrophique et appelle une réponse de grande ampleur. Et c’est là le rôle de la Gauche !

Comme le soulignent justement les soignants, la population comprend bien ce qu’elle leur doit, tout comme elle perçoit aisément qu’il ne s’agit pas simplement d’augmenter les salaires du personnel hospitalier, mais bien de défendre l’idée d’un système de santé au service de la population et coupé de la logique capitaliste.

Il y a là une cause démocratique claire pouvant permettre l’unité populaire… sauf que la Gauche française continue dans sa lignée anti-politique. Elle laisse l’initiative aux syndicats, en appelant à se ranger derrière eux, finalement, tout en se contentant de relayer le discours qui consiste à réclamer une réaction de l’Etat. Que les syndicats appellent l’Etat à réagir, investir, augmenter les salaires, c’est normal. En revanche, la réponse de la Gauche doit être politique : il s’agit d’affirmer la nécessité d’une nouvelle société, ne contournant pas la question du pouvoir, qui doit revenir à la Gauche, aux masses.

Le problème, c’est que ce qui reste de Gauche dans ce pays a oublié ses racines ouvrières. On ne raisonne plus en termes de socialisme, de collectivité, d’attaque des bases bourgeoises et capitalistes de la société. Aujourd’hui, le décalage apparaît clairement entre les besoins des masses et la gauche petite-bourgeoise rêvant d’« autogestion », de « décentralisation », et raisonnant à coup d’« investissements », de « droits individuels ». Si, à Paris, une ultra-gauche imbécile et faussement radicale a pu perturber le mouvement des soignants, c’est bien parce qu’il n’y a plus de Gauche organisée et que les travailleurs sont abandonnés sur la voie d’un syndicalisme aussi faible qu’institutionnel.

L’heure n’est plus à l’altermondialisme bobo, au populisme « de gauche », ou aux différentes variantes de social-libéralisme : si on veut dépasser le capitalisme pourrissant et éviter à Marine Le Pen de se poser comme celle qui va rétablir l’ordre par en-haut dans ce pays atomisé par l’ultra-libéralisme, alors on doit marcher vers un Front populaire nouveau.

La Gauche doit oser marcher vers le pouvoir, doit porter l’organisation des masses du pays, doit assumer l’affrontement politique et économique avec la bourgeoisie. Si elle s’enferre dans le pragmatisme et la passivité face aux « mouvements sociaux », l’extrême-droite l’emportera, et ce ne seront pas le goût du psychodrame et les indignations pseudo-radicales de la petite bourgeoisie qui nous sauverons.

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