La Manifestation clermontoise contre les violences faites aux femmes : entre prise de conscience démocratique et post-modernisme libéral
Lundi soir, environ 550 personnes ont défilé dans la capitale auvergnate contre les violences faites aux femmes, à l’appel du Collectif 8 mars. On a pu constater l’importante contradiction entre la revendication universaliste et démocratique au sein de la population et la stérilité portée par le post-modernisme qui tente de récupérer le féminisme pour son compte libéral.
Cette manifestation intervenait dans le cadre de la prise de conscience démocratique de la situation dramatique que vivent des millions de femmes, dans notre pays et ailleurs. Elle coïncidait avec la fin du « Grenelle contre les violences conjugales » lancé par le gouvernement, et faisait suite à la manifestation parisienne de samedi dernier.
Cette réaction est saine dans la mesure où une large part de la population semble désormais se rendre compte que le problème patriarcal est très important et que les victimes sont effroyablement nombreuses. La violence envers les femmes touche de nombreux domaines, depuis la non-application du droit du travail en leur défaveur, jusqu’aux meurtres, en passant par un écart de salaires encore important, des agressions diverses, ou simplement le manque de collaboration de la police que les victimes rencontrent lorsqu’elles veulent porter plainte.
C’est dire si le problème est un un problème de société. C’est dire si la tâche est importante et appelle un changement radical. Comme le dit très justement un manifestant interrogé par La Montagne :
« Le boulot, il va pas se faire comme ça, du jour au lendemain. Il faut tout reprendre à la base… Tout reprendre à la base. Et puis, se dire qu’on ne peut pas rejeter la moitié de la population du monde, et vice-versa, donc marchons la main dans la main, hommes et femmes ».
Le fond est juste, cela ne fait pas de doute. En revanche, sur la forme, il y a lieu d’être plus critique. En effet, lorsqu’on regarde quels sont les organisateurs, les revendications, ou les slogans, on ne peut qu’avoir l’impression que les enjeux sont incompris. Les justes et alarmants constats sur la condition des femmes, martelés tout au long de la manifestation, et rappelés par les différentes personnes interrogées par la presse, semblent résonner dans le vide, tant le reste manque d’envergure.
Prenons tout d’abord le collectif à l’origine de la manifestation. Il regroupe les associations Osez le féminisme 63, le Planning familial, Association Résolument Autre, l’UNEF, Solidaires, et bénéficie du soutien de la France insoumise, du Nouveau parti anticapitaliste de l’Union communiste libertaire. C’est, si l’on peut dire, un condensé de cette pseudo-gauche post-moderne, associative et syndicale qui rejette tout universalisme, au nom de l’individu, des « communautés », et du populisme.
On notera d’ailleurs la prise de parole de Martine Donio, militante anarcho-syndicaliste, liée à l’UCL et à Solidaires.
D’ailleurs le collectif se présente comme étant aujourd’hui un « collectif d’individus », et met en avant les thèmes libéraux classiques de ce type d’organisations, en revendiquant la défense plus particulière « des femmes portant le foulard, des travailleuses du sexe, des trans ». Allant jusqu’au bout dans cette démarche post-moderne et anti-politique, le collectif affirme que « chaque communauté, chaque minorité en lutte contre les violences sexistes est porteuse de revendications différentes face à des oppressions multiples, et c’est à elles de déterminer comme s’en libérer ». A ce titre, il refuse l’universalisme au nom de l’idée qu’il y aurait « DES féminismes » répondant aux « visions » différentes de chaque « communauté », voire de chaque individu. C’est littéralement la Gauche historique qui est rejetée ici avec force. Rien de plus normal de la part des post-anarchistes de l’UCL, des post-trotskystes du NPA, des post-lambertistes de la FI et de toutes les autres organisations, historiquement coupées de la Gauche, tout en prétendant en faire vaguement partie.
On remarquera l’hypocrisie de ce collectif qui se revendique « indépendant des structures institutionnelles », alors que plusieurs des organisations qui le composent reçoivent un financement institutionnel, via des subventions, notamment.
Pour ce qui est des slogans et des revendications, on a pu relever (outre des slogans apolitiques au possible et faisant uniquement dans la provocation sans intérêt « mon clitoris n’appartient qu’à mes doigts ») des dénonciations de la situation, des appels à la solidarité entre toutes les femmes, à l’égalité… auxquels on aurait aimé dire « Super, bravo ! Mais, concrètement, que fait-on ? »
C’est là que le bât blesse. Dénoncer est très juste, mais ce dont on a besoin aujourd’hui, ce n’est pas de demander aux politiciens de réagir et d’attendre une solution venue d’en-haut : c’est de passer au niveau supérieur, de poser clairement la nécessité de « revoir les bases », de changer de société, d’en construire une nouvelle, universelle.
Cela, les organisations qui portent ce collectif en sont bien incapables, engoncées qu’elles sont dans les institutions ou dans l’anarcho-syndicalisme. Des trois organisations politiques impliquées, la France insoumise est la seule à poser un peu la question du pouvoir… mais uniquement pour gérer la société actuelle dans un sens plus social-chauvin.
Il est impératif que la Gauche historique, ouvrière et universaliste s’empare de la juste cause féministe, abandonnée depuis trop longtemps au post-modernisme, pour poser clairement la question de la prise du pouvoir, du dépassement de la société capitaliste qui maintient le patriarcat, et de la construction d’une nouvelle société. Une partie de la population a compris qu’il est urgent de changer les choses, mais la Gauche étant absente, il ne peut rien se passer, et on tombe vite dans la stérilité post-moderne. On notera que la classe ouvrière a été particulièrement peu représentée dans cette manifestation, surtout portée par des représentants de la petite bourgeoisie, de la classe dite « moyenne ».
Une étincelle s’allume dans les masses : ne laissons pas le post-modernisme l’éteindre !
Il faut parvenir à nous libérer du patriarcat et du capitalisme !