Jean-Luc Mélenchon : un réactionnaire opportuniste

Alors qu’il doit venir à Clermont-Ferrand, demain, pour soutenir notamment la campagne de Marianne Maximi, le leader de la France insoumise a récemment répondu aux questions du journal régional La Montagne. Il ne fait que confirmer l’impasse que constitue son organisation et sa ligne pour quiconque est à Gauche.

Plus accessoirement, on pourra juger de la qualité de l’interview politique de La Montagne qui évite soigneusement de poser des questions pouvant le mettre en difficulté.

On le sait, le programme de la France insoumise, c’est la modernisation des institutions, et une relance du capitalisme bien français, notamment en étant plus agressif à l’international, en s’opposant aux capitalismes concurrents, en particulier l’Allemagne et les Etats-Unis. D’où les exclamations sur le prétendu «bradage généralisé» de la défense nationale, ou sur la «bonne nouvelle» que constitue la vente de rafale par le vendeur d’armes Dassault, ou les couplets sur les «patrons patriotes». On est là dans une démarche quasiment néo-gaulliste, et son hommage récent à De Gaulle, supposé être – malgré quelques divergences – un peu un insoumis, lui aussi, va bien dans ce sens. Evidemment, la France insoumise présente son programme sous un jour altermondialiste, mais le fond est clair : un impérialisme à visage humain, somme toute.

Pour le reste, tout est bon pour attirer les foules, se montrer incontournable… et dynamiter ce qui reste de la Gauche, pour occuper l’espace. Tantôt radical et faussement révolutionnaire, tantôt modéré et «républicain», adoptant ici la figure du sage cultivé, là celle du tempétueux persécuté par le pouvoir, Jean-Luc Mélenchon (et ses amis) est l’incarnation même de l’opportunisme. C’est ce petit jeu qu’il joue ici pour La Montagne.

Affirmant s’être « toujours opposé sur tous les tons à la violence », il précise son idée de « police aussi désarmée que possible » en évoquant les pays « qui n’ont pas de police armée dans les tâches d’accompagnement des manifestations, de circulation ». Enchaînant sur le cas de Dijon, il dit la chose suivante : « Il est normal de ne pas avoir envoyé ces policiers face à une telle situation qui nécessite d’autres compétences professionnelles, spécialisées. C’est pourquoi le GIGN et le Raid existent. »

Un propos recevable, dans l’absolu… sauf qu’il s’accompagne de la phrase éminemment populiste suivante : « La doctrine d’emploi de la police en France a progressivement dégénéré dans une vision où, au lieu de garantir la sûreté des citoyens, elle garantit d’abord celle du gouvernement. » Cette analyse est étrangère à la Gauche : Mélenchon donne l’impression que la police aurait, dans le passé, été plus « républicaine » avant sa « dégénérescence », et au lieu de dire, comme la Gauche ouvrière classique, que la police est l’outil du maintien de l’ordre capitaliste, il se focalise sur le gouvernement. Il montre ainsi sa nature réactionnaire : plutôt que l’analyse de la société de classe, il a une critique de gestionnaire, qui pense faire mieux et veut « dégager » les gestionnaires actuels, et mobilise l’image idéalisée d’un passé (dont on sait pourtant combien il fut meurtrier en termes de répression policière) qui aurait « dégénéré ». C’est, stricto sensu, un discours fascisant, même s’il est justifié par une volonté de diminuer la violence.

Mélenchon n’a qu’un objectif : apparaître comme le principal opposant au gouvernement. Il le dit : « notre place naturelle est d’être dans les coalitions qui se forment face à LREM et la droite. » C’est la seule raison qui peut le pousser à soutenir l’union, comme au Havre, face à Edouard Philippe. On se doute bien qu’il n’a pas de sympathie réelle pour M. Lecoq, candidat de la « mort et du néant » que représente le PCF à ses yeux. Depuis sa candidature en solo et la campagne législative de 2017 (et cela s’est vu en Auvergne), Mélenchon et son parti se sont lancé dans une opération claire : écraser ce qui reste de la Gauche pour occuper le terrain à la place. Invité à sa prononcer sur l’union de la Gauche, il méprise celle-ci au nom de la « cohérence ». On connaît la cohérence de la France insoumise, qui s’est présenté contre André Chassaigne pour le punir de n’avoir pas soutenu la candidature de l’oracle insoumis, qui a empêché l’union de la gauche autour de Pascal Devos dans la circonscription de Vichy-Gannat ou qui, ailleurs en France, s’emploie à un travail de sape des restes de la Gauche, n’hésitant pas à recourir aux moyens les plus discutables. On songera aux « pudeurs de gazelle » du député de Marseille face au Printemps Marseillais, qu’il soutient maintenant qu’il a compris qu’il était possible de gagner.

On songera aussi à la Seine-Saint-Denis, où l’attitude de la France insoumise ridiculise totalement les propos de notre populiste-en-chef : à Bobigny, son parti soutient la droite (elle-même liée aux caïds, aux islamistes et au Gang des barbares) face à l’union de la Gauche, et à Saint-Denis, après avoir fait une liste à part pour détrôner le PCF, voilà que la FI accuse le PCF de semer la division et d’être raciste. On voit bien en quoi la France insoumise fait le jeu de la droite locale qui a toujours joué la carte du communautarisme et du clientélisme pour faire tomber la « Banlieue rouge ».

Dans cette lignée, Mélenchon montre dans La Montagne la sinistre farce que représente son prétendu antiracisme. Alors que Manuel Valls critiquait récemment le remplacement, dans la rhétorique de certaines organisations de Gauche, de la « lutte des classes par la lutte des « races » » (mais dans un journal d’extrême-droite, comme le réactionnaire qu’il est, décrédibilisant ainsi toute son analyse, surtout qu’il n’a jamais défendu la lutte des classes, évidemment), Mélenchon prétend que l’ancien premier ministre défendrait justement une lecture racialiste de la société. Lorsque, timidement, La Montagne sous-entend que la FI serait un peu divisée sur la question de l’antiracisme, il le nie farouchement, prétendant qu’il n’y a ni racistes, ni communautaristes dans son parti. Il n’est qu’à reprendre les exemples de Bobigny et Saint-Denis pour se faire une idée, ou se souvenir qu’une députée de son parti considère le parti d’extrême-droite des « Indigènes de la République » comme des « camarades antiracistes ».

Poussant sa logique réactionnaire, il reprend le discours partagé par les communautaristes, les islamistes ou les soraliens sur le sujet : alors qu’on lui parle de communautarisme en général, le voilà qui dénonce… le communautarisme Juif, qui bénéficierait d’un « deux poids, deux mesures ». Il dénonce le « communautarisme du Crif qui est banalisé », comme illustration de la prétendue attitude consistant à dire « qu’il y a des communautarismes positifs et d’autres négatifs ». C’est stricto sensu le discours des indigénistes qui parlent de « philosémitisme d’Etat » et d’alliance entre « l’Etat et les sionistes », dans un délire complotiste-antisémite particulièrement nauséabond. Ce n’est donc pas un hasard de voir, à Argenteuil, le candidat insoumis dénoncer le candidat du PS comme étant le candidat du « sionisme ».

On retrouve donc chez Mélenchon tous les ingrédients du fascisme : nationalisme, soutien aux grandes entreprises (notamment guerrières) du pays, rejet de la lutte des classes, populisme exacerbé, mentalité de gestionnaire, fausse radicalité, et opposition franche à la Gauche, et un pseudo-anticapitalisme qui commence par dénoncer « la finance mondiale » et sa « caste » et qui finit par dénoncer le communautarisme Juif comme étant privilégié par l’Etat.

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