La fausse gauche et le pétainisme écolo
Pierre Rabhi est mort et voilà qu’une bonne partie des « écolos » autoproclamés lui rend hommage. Et pas les moindres : aux côtés d’Anne Hidalgo pour le PS, on retrouve les écolos Yannick Jadot, Sandrine Rousseau, Benoît Hamon, Karima Delli, ainsi que Nicolas Bonnet, maire adjoint de Clermont-Ferrand et porte-parole de son parti dans notre région. Ce n’est donc pas le fait de quelques individus, mais bien une tendance de fond au sein du « Pôle écologiste ».
Tirades larmoyantes, hommages politiques appuyés, pensées pour la famille, etc. Ca, c’est la première étape.
Certains, comme Benoît Hamon qui a joué les innocents ou Sandrine Rousseau qui l’a précisé par un doux euphémisme, ont quand même tenu à préciser qu’il ne partageaient pas l’homophobie et la misogynie du grand penseur « paysan-prophète ». En effet, il ne viendrait pas à l’esprit de ces beaux esprits tellement progressistes de saluer des positions dignes de Christine Boutin.
Ce n’est pourtant pas le problème majeur et prendre ses distances vis-à-vis de « propos » précis évite bien d’aborder les questions de fond : l’idéologie et le système de la maison Rabhi.
Converti au catholicisme très jeune, Rabhi est resté un mystique, fréquentant les milieux catholiques voire carrément sectaires. Présenté comme un gentil paysan partisan de l’amour et de la sobriété, c’est avant tout le promoteur d’une vision néo-pétainiste de la paysannerie et du retour à la terre. Proche de Gustave Thibon, pétainiste notoire lié au maurrassisme, sa grande idée est le « retour à la terre », dont Pétain disait qu’ « elle ne ment pas ». Une vision idéaliste et réactionnaire de la paysannerie, forcément plus « authentique », apprendrait l’humilité, l’attachement organique à la terre, et où la « sobriété » tant vantée par ses partisans est une sorte de vœu de pauvreté chrétien. La défense de la planète passerait par une espèce d’engagement personnel en lien charnel avec la terre. Un irrationalisme d’inspiration catho-mystique, et donc éminemment féodal. On retrouve évidemment la défense du petit producteur indépendant, comme chez Proudhon d’ailleurs, dans une vision fantasmée du passé, qui aurait été plus pur, moins corrompu par la méchante technique (évidemment, pour la critique du capitalisme, on repassera). Voilà l’Homme idéal de Rabhi : un petit capitaliste qui se sent investi d’une mission mystique. Un irrationalisme parfaitement fasciste dans son esprit.
Ainsi, les propos misogynes et homophobes de Rabhi ne sont pas déconnectés du reste. Dans sa vision féodale de la paysannerie, la femme n’a pas à être l’égale de l’homme, elle doit lui être complémentaire. Elle est là pour engendrer, faire perdurer la petite propriété patriarcale. C’est au nom de cette vision rétrograde que Rabhi disait qu’il ne fallait pas « exalter l’égalité [entre les hommes et les femmes] ». C’est aussi la raison pour laquelle l’homosexualité lui apparaissait comme « dangereuse » car « inféconde ». C’est toujours la même vision religieuse et féodale.
Mystique catholique, il expliquait que l’humanité était fondamentalement dans la violence, la destruction, que la planète regrettait sûrement de nous avoir engendrés. C’est littéralement un discours religieux où l’humanité devrait racheter sa faute originelle par un engagement mystique total, y compris par la souffrance ou au moins la privation. « En Afrique, [disait-il] dans les villages pauvres, les gens sont gais, ils n’arrêtent pas de chanter, pourtant ils sont réduits au minimum. Donc la joie et le bonheur ne dépendent pas de la richesse ou de la non-richesse. » Tout va bien ! La question n’est ni la répartition de la richesse, ni celle de la propriété privée des moyens de production. On peut être très heureux en étant démuni. Vive la pauvreté heureuse ! On comprend qu’il plaise à post-gauche moralisatrice et gestionnaire du capital.
D’ailleurs, gauche et droite, ce n’est pas le souci. L’écologisme rabhien se veut au-dessus de ce clivage. C’est un apolitisme revendiqué, puisqu’il s’agit d’engagement individuel. Ni droite, ni gauche, mysticisme, attachement organique à la terre, vision patriarcale de la société, défense du capitalisme et d’une régénérescence de la société par la petite propriété et le retour à l’ancien temps : tous les ingrédients du fascisme sont là. D’ailleurs, ses fils ne s’y sont pas trompés, puisqu’ils ont copiné avec le nazi et négationniste Alain Soral, mais aussi avec Etienne Chouard, le même mais en plus lâche.
Pierre Rabhi fut également proche des idées de Rudolf Steiner, occultiste (décidément) fondateur de la secte anthroposophique, qui mêle des éléments empruntés à différentes religions, à des délires occultes, une vision suprémaciste blanche, une agriculture magique (façon druide sur le retour) et d’autres délires. Pierre Rabhi a donné des conférences dans des institutions liées à l’anthroposophie, comme les écoles Steiner-Waldorf.
A titre d’exemple de collusions avec les sectes, les « Colibris » ont soutenu la Ferme des Deux-Soleils en Franche-Comté, une structure fermée suite à des dérives sectaires en 2012.
Bref : Pierre Rabhi était une figure néo-pétainiste majeure. Que la post-gauche s’en réclame et salue sa mémoire n’a rien de surprenant. Elle peut trouver chez lui l’acceptation du capitalisme, la défense de l’individu comme petit producteur/capitaliste, une écologie moralisatrice et individualiste, et un irrationalisme dont la mystique peut attirer des gens en quête d’engagement profond. Ces gens montrent qu’ils n’ont rien de gauche.
Face au néo-pétainisme et à son recyclage par la post-gauche bobo, défendons la raison et la science, l’écologie et le socialisme.
Nous ne voulons pas une foule d’individus apolitiques se croyant investis d’une mission, rêvant de petit capitalisme et fantasmant la société d’hier. Nous voulons une population organisée et politisée construisant la société de demain.
Socialisme & écologie !