La cathédrale de Clermont-Ferrand : le non-respect des normes de sécurité et le désintérêt de l’État.
Après l’incendie de Notre-Dame de Paris, se pose la question, comme lors de l’effondrement du viaduc de Gênes, des normes de sécurité et de leur respect concernant les édifices semblables.
Dans le cas de Notre-Dame de l’Assomption, le risque incendie existe et concerne le haut de l’édifice : le toit, la charpente, les flèches. En ces circonstances le feu a généralement deux origines : l’installation électrique et les travaux de rénovation. Le risque s’est d’ailleurs révélé en 2014, lorsque la charpente a failli prendre feu à cause de travaux. Selon Jacques Soucachet, c’est le fait de faire chauffer la toiture en plomb et du silicone (pour faire des joints) qui a enflammé de la poussière présente sous la toiture. Les ouvriers s’en étant rendu compte suffisamment tôt, l’incendie a cependant pu être maîtrisé.
L’autre risque, le dysfonctionnement de l’installation électrique, a été mis en avant en 2017 dans un avis défavorable de la Commission départementale de sécurité des établissements recevant du public. La commission relève ainsi plusieurs réseaux électriques qui « se côtoient et s’ignorent » ainsi qu’une absence de coupe-circuit unique.
Ce n’est cependant pas là toute l’étendue des risques, la commission ayant aussi relevé le dysfonctionnement de l’éclairage de sécurité d’évacuation, le stockage de matières combustibles, l’absence de colonnes sèches pour assurer la défense des toitures et l’absence de moyens faciles d’accéder aux combles. Neutraliser ces risques a un coût : 950 000 euros. Une somme raisonnable pour préserver le patrimoine clermontois.
Ces travaux de mise en norme n’ont cependant pas encore été mis en place.
Des travaux qui se font attendre…
Face à ces risques, il est légitime d’attendre une réponse rapide de la part de l’État. Cela n’a cependant pas été le cas. Si des entreprises sont intervenues régulièrement sur la cathédrale pour l’entretenir, le début d’incendie de 2014 n’a pas suffi à provoquer l’émoi de l’administration qui ne s’intéresse pas à sa préservation.
« Il ne s’agit pas d’une question d’argent », la préfète Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc croit bon de rappeler par deux fois, dans une interview de La Montagne. Aussi, le risque n’aurait été identifié, selon elle, qu’en 2017, la commission de sécurité ayant donné un avis défavorable, montrant ainsi une implication moindre de la part de l’État, qui n’agit que sous la contrainte.
Il faut ensuite attendre février 2018 pour un début d’action, consistant en des mesures immédiates moindres (renforcer l’audibilité de l’alarme et interdire l’accès à la tour de la Bayette) et l’engagement de commencer des travaux de mise en norme, cela pour que la cathédrale reste ouverte au public. Travaux qui n’ont toujours pas commencés, malgré les réunions et concertations dont parle la préfète, et dont le retard se justifierait par la sensibilité de l’opération. Si cela est compréhensible, il ne faut pas oublier le temps qu’il a fallu avant cette concertation, avant que l’État ne s’intéresse – ou plutôt qu’il soit forcé de s’intéresser – à la préservation de la cathédrale. Si l’État tenait vraiment au patrimoine, des études auraient été faites bien avant, au moins après le début d’incendie arrêté in extremis en 2014.
Tout ceci pose une fois de plus la question de la préservation du patrimoine par l’État capitaliste. Cet héritage culturel du passé appartient au peuple et devrait donc être préservé par l’État qui, supposément, est sensé représenter le-dit peuple. Sauf que l’État en question est capitaliste et, dès lors, ne s’en soucie guère. Le patrimoine est abordé comme moyen de générer du bénéfice, en attirant le tourisme (en particulier le tourisme de masse et de consommation) sans jamais chercher à dépasser cet horizon purement mercantile.
Culturellement, la bourgeoisie peut avoir deux points de vue, en apparence contradictoires, mais qui se rejoignent dans la liquidation de la culture populaire.
Il y a d’abord les réactionnaires qui utilisent l’image idéalisée du passé que représentent ces œuvres bien souvent féodales pour en faire le vecteur de leur idéologie, faite de hiérarchie sociale et d’irrationalisme mystique. Et puis il y a les post-modernes qui, dans leur grande offensive anti-universaliste, nient la Culture, pour toujours tout centrer sur les individus et leur perception subjective.
La vision réactionnaire s’est manifestée dernièrement par l’ensemble de la droite, qui a appelé à reconstruire Notre-Dame de Paris à l’identique, pour préserver l’idéologie catholique féodale dont elle est le vecteur. Quant à la vision post-moderne, elle s’est exprimée à la fois à travers les délires racialistes d’une cadre de l’UNEF qui y voyait une « affaire de blancs » mais aussi à travers la volonté affichée, notamment par les « marcheurs » de bâtir des éléments modernes sur la cathédrale : une verrière, une « flèche » en cristal, etc.
Ces deux positions sont erronées et doivent être attaquées par la Gauche : il faut lutter pour la réhabilitation et la préservation du patrimoine culturel du peuple, mais s’opposer vigoureusement tant à son maintien dans l’orbite religieuse qu’à sa dénaturation pseudo-moderne ou sa négation anti-culturelle.
Il faut étudier et protéger les vestiges de notre passé, dans le but de préparer l’avenir. Il ne faut pas faire revivre ce passé définitivement révolu par la contrefaçon, ni nier son existence, dans une fuite libérale.
La préservation du patrimoine doit être un combat majeur de la Gauche et il est impératif que la Gauche auvergnate se saisisse de ce combat pour la préservation de la cathédrale de Clermont-Ferrand, et de tout notre patrimoine historique, particulièrement riche.