1er mai 2025 : retrouvons la Gauche de Zimmerwald !

Si le 1er mai, journée internationale des travailleurs, a toujours été une date marquante pour la Gauche et le prolétariat, on s’était malheureusement habitué, en France (comme ailleurs), à des manifestations – parfois de masse, certes – assez ritualisés, folkloriques et d’essence purement syndicaliste. Le Parti communiste français cantonnant son rôle à être la branche électorale de la CGT et le Parti socialiste ayant renoncé depuis longtemps au socialisme, le 1er mai était devenu une marche de la gauche réformiste rangée derrière les syndicats.

Avec la crise du capitalisme, renforcée par la pandémie de covid-19, il était évident que le train-train ne pouvait continuer, si l’on voulait être à la hauteur. De l’habituelle marche, sincère mais cadrée et centrée sur des revendications économiques réclamées à l’Etat, il fallait passer à l’étape au-dessus : celle de la revendication civilisationnelle et politique, c’est-à-dire au fond le socialisme comme prise du pouvoir de la classe ouvrière face au capitalisme décadent et fascisant.

Pourtant, c’est plutôt dans le sens inverse que les choses sont allées. Le 1er mai 2019, juste avant le covid mais déjà dans un capitalisme en crise, a été confisqué par le style populiste-confusionniste de Gilets jaunes, où ultra-gauche anti-politique et nationalistes complotistes se côtoyaient (les syndicats appuyant le mouvement dans l’espoir de le récupérer, et les partis suivant les syndicats et rêvant eux aussi de récupération). L’irruption du covid n’a absolument rien changé au train-train des organisations habituelles : quelques revendications, du mécontentement, un affichage de valeurs, mais aucune analyse de fond, aucune ligne politique d’envergure. Aucune perspective : de l’agitation, de la grogne, et des gens attendant que l’Etat – pourtant bourgeois dans son essence – leur donne ce qu’ils veulent.

L’irruption de la guerre, avec l’invasion de l’Ukraine bandériste par la Russie impérialiste allait peut-être réveiller la gauche… mais non ! Toujours rien. Unis dans leur train-train bien inséré dans le capitalisme, mais divisés sur le type de soumission à l’impérialisme qui leur paraît la plus acceptable : les uns soutiennent l’effort de guerre occidental, c’est-à-dire les intérêts économiques des capitalistes de l’Ouest qui ne voient l’Ukraine – au régime de plus en plus pro-nazi – que comme fournisseuse de chair à canon dans leur compétition avec le camp sino-russe ; les autres essayant de faire passer leur soutien passé à la Russie poutinienne pour une position « non-alignée » ; d’autres encore parlent de paix tout en espérant que la France capitaliste puisse mener cette guerre, maintenant que les Etats-Unis trumpistes sont focalisés sur la guerre avec la Chine et abandonnent l’Ukraine à son sort.

On s’enfonce toujours plus dans la décadence et ce qui était déjà une post-gauche devient chaque jour une anti-gauche : antisémite et soralienne (LFI), militariste et anti-démocratique (PS), réactionnaire et libérale (EELV), anticommuniste (tous). Le monde s’effondre et la priorité de ces gens est de défendre la guerre, l’ordre social dominant, le viol tarifé, l’islamisme, la location des utérus, les thérapies de conversion transactivistes, tout en quémandant quelques miettes sociales qu’ils font passer pour des combats révolutionnaires, avec un peu de folklore hypocrite et quasiment toujours malsain au sujet de la Palestine qui mérite bien mieux.

Ces gens sont la mort et le néant, pour reprendre l’expression de Mélenchon, derrière qui ils ont tant rampé. Coupés des masses populaires, donneurs de leçon, anti-collectivistes au possible. Leur voix, croient-ils, est celle de la vague populaire qui s’apprête à emporter l’ordre dominant : elle n’est en fait que ce bruit déplaisant que fait l’eau usée qui s’engoufre dans le trou d’un évier.

Il faudrait reconstituer la classe ouvrière, la conscience prolétarienne, plus que jamais. Le prolétariat et la Gauche en général sont ratatinés sur eux-mêmes, dans l’incapacité de produire quoi que ce soit, de penser quoi que ce soit, confits dans un capitalisme les ayant étouffés et corrompus, laissant tout l’espace politique à la droite et l’extrême droite. Les capitalistes comptent bien là dessus évidemment, car ils préfèrent que les prolétaires se voient eux-mêmes comme des futurs milliardaires temporairement dans une mauvaise passe plutôt que comme des exploités, des esclaves modernes dont la mentalité les pousseraient inexorablement vers la pensée révolutionnaire. Si l’on doit retenir quelque chose du 1er Mai c’est pourtant cela : le besoin de dépasser le travail capitaliste et par la révolution, donner au travail un sens nouveau.

Pourtant, nous sommes encore loin d’une telle prise de conscience. Personne ou presque en France ne critique la marche à la guerre, personne ne fait réellement attention à ce qui se passe en Ukraine ou entre la Chine et les Etats Unis. Pire, beaucoup se rangent du côté de l’OTAN et des Etats Unis et pensent être obligés de choisir un camp entre les deux qu’on leur propose, plutôt que de choisir le seul dont personne ne parle : le camp des peuples frères, le camp de la paix.

Pour ce faire, la Gauche en France se devrait d’être forte et de proposer un horizon culturel radicalement différent. Il s’agit de redonner au prolétariat les outils philosophiques, politiques, culturels nécessaires à la projection de son émancipation. Exit la gauche gestionnaire du capitalisme, la gauche bobo, la gauche libérale de toutes les inclusivités, de tous les marchés juteux, de la célébration de tout ce qui nous sépare en tant qu’être humains comme la couleur de peau, la sexualité, la religion et autres âneries réactionnaires qui relèvent d’une fuite en avant dans le capitalisme. Le besoin actuel est celui d’une Gauche qui se focalise sur les rapports de classes, sur ce qui rassemble les individus plutôt que sur ce qui les divise : une Gauche internationaliste, celle des grands penseurs historiques du socialisme, une Gauche pour laquelle le terme « anticapitalisme » a encore un sens et n’est pas juste un « buzzword » à jeter partout pour faire du racolage.

Voilà d’où partira l’avenir ! Socialisme ou barbarie !