Nouvel an : bilan et perspectives

Nous voici donc en 2025. Pour y entrer de la meilleure manière, il importe de faire un bilan de l’année qui vient de s’achever. En effet, 2025 s’annonce comme l’aggravation généralisée de la situation que nous avons connue jusqu’ici.

La IIIe guerre mondiale

L’actualité centrale, incontournable, et pourtant passée sous un silence presque total par ce qui reste de la « gauche » française, c’est la guerre entre le bloc occidental dominé par les Etats-Unis d’Amérique et le bloc sino-russe, par vassaux interposés. Chaque conflit local relève de cet affrontement-là, et il n’est pas difficile de le voir, pour peu qu’on s’y intéresse et qu’on laisse de côté la propagande de guerre et les conceptions idéalistes des uns et des autres.

En Ukraine, l’occidental soutient à fond le régime pro-nazi de Kiev dans l’espoir d’écraser la Russie, grand concurrent impérialiste. « Pro-nazi », oui. S’il est évident que la propagande poutinienne parle d’une ukraine entièrement nazie dans le but de raviver la flamme de la Grande guerre patriotique auprès de ses propres troupes et justifier son invasion infâme, il est non moins vrai qu’un régime qui réhabilite des meurtriers génocidaires alliés au IIIe Reich, promeut l’idéologie bandériste ethniciste et expansionniste, impose une « purification culturelle » (allant jusqu’à détruire des livres en langue russe, Pouchkine, Tolstoï et Dostoïevski étant considérés comme des auteurs « génocidaires ») à une partie de sa population pourtant russophone à l’origine, et n’hésitant pas à réécrire l’histoire de l’Ukraine du XXe siècle pour justifier son idéologie, est bien un régime pro-nazi. A titre d’exemple, il y a deux mois, le compte X/Twitter du ministère de la défense ukrainienne rendait hommage à Roman Choukhevitch, qui tortura et massacra des milliers de Juifs et de Polonais. On peut également songer aux festivités de fin d’année qui ont donné lieu à des représentations de Juifs comme voleurs avec un nez crochu.

Si l’Ukraine s’enfonce dans un ultra-nationalisme pro-nazi et un militarisme qui fait des ravages dans sa propre population (le commandant en chef des armées est surnommé « le Boucher » par ses propres soldats, et les rafles se multiplient dans le pays pour envoyer les jeunes et les moins jeunes au front) qui n’ont rien à voir avec la défense légitime de son intégrité territoriale, ce pays s’enfonce également dans la vassalisation totale vis-à-vis du capitalisme occidental. Le régime actuel ne prétend pas libérer l’Ukraine : il n’est qu’un pion de l’Occident pour attaquer la Russie, au prix de l’étouffement des masses ukrainiennes (le code du travail a été quasiment supprimé, l’opposition est criminalisée, etc.) et de la destruction de sa richesse culturelle au profit de conceptions ultra-réactionnaire (compatibles avec le capitalisme décadent, puisque le pays continue d’être un pourvoyeur de ventre à louer, via la GPA, et de victimes du viol tarifé).

Au Proche-Orient, les choses bougent également et, là encore, la même logique se manifeste à l’arrière-plan. Le Hamas, le Hezbollah, la Syrie de Bachar El-Assad, et leurs différents alliés appartiennent au camp sino-russe, tandis que l’Etat d’Israël est un vassal de la superpuissance étasunienne. A ce titre, l’implacable et brutale guerre menée par le gouvernement fasciste d’Israël, qui bombarde Gaza qu’il est de plus en plus question d’annexer, et qui a permis d’étêter et de fragiliser le Hezbollah et le Hamas (ce dernier subsiste et les otages n’ont pas été libérés), sans parler des attaques ciblant directement l’Iran, représente un recul du camp sino-russe dans cette région. La Chine, qui en est consciente, avance un « plan de paix » et se pose en médiatrice, en réalité en force appuyant tout ce qui peut faire obstacle aux intérêts occidentaux là-bas. En Syrie, l’odieux régime d’Assad s’est effondré et des islamistes en partie liés à la Turquie ont pris la place, laissant présager de sombres jours pour les Kurdes, les Alaouites, et plus largement les femmes ou les homosexuels.

On pourrait continuer avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan, le Vénézuélien et le Guayana et tant d’autres conflits ou tensions en apparences locaux mais relevant une fois de plus de ce même affrontement entre blocs et surtout entre superpuissances. L’épidémie de Covid-19 a accéléré les choses et le capitalisme est entré au niveau mondial dans une crise générale de laquelle il espère se relever par la guerre. Entendons-nous bien : ce n’est pas un plan orchestré, mais une tendance naturelle et inhérente à ce mode de production. Partout, les régimes se crispent, se font plus agressifs, plus protectionnistes, plus militaristes… Quant aux deux géants, ils se disputent la première place. Les Etats-Unis, surtout depuis la réélection de Donald Trump entendent non seulement assurer leur hégémonie mondiale mais asseoir celle-ci dans le nouveau redécoupage du monde en zone d’influences et vassaux. Et cela passe par l’écrasement du camp sino-russe et principalement de la Chine qui, de son côté, espère ne pas être écrasée avant d’avoir atteint l’hégémonie qu’elle construit patiemment depuis des années. C’est un cocktail explosif et tout dépend de cela.

Le capitalisme occidental consommateur est en pleine déliquescence. Le narcotrafic, la violence en général et l’obscurantisme le gangrènent, de même que le relativisme et l’égoïsme les plus abjects. C’est une atmosphère putride que l’on respire et les masses restent endormies, accrochées à cette société de consommation qu’elles rêvent juste de préserver. Le réveil va être douloureux.

Et la France dans tout ça ?

Notre pays est totalement imbriqué dans cette logique guerrière et y participe résolument. Le fait que les ministres Lecornu et Barrot aient été reconduits dans leurs fonctions malgré la chute du gouvernement auquel ils appartenaient semble anecdotique mais est très révélateur. Pour ceux qui n’auraient pas suivi, le site agauche.org a établi une chronologie de l’escalade guerrière de la part de la France.

De fait, hormis la marche à la guerre, plus rien ne tient en France. Les institutions de la Ve République, nées avec un coup d’Etat et marquées depuis par cette logique monarchique-putschiste que François Mitterrand, alors dans l’opposition, pointait justement comme « coup d’Etat permanent », ne parviennent plus à assurer la stabilité politique du pays. Le président est toujours plus tout-puissant et l’instabilité parlementaire, aggravée depuis la dissolution d’il y a six mois, règne. Les gouvernements se succèdent, sous l’œil avide du Rassemblement national, les hurlements des mélenchonistes (qui partagent avec leurs alliés objectifs du RN le souhait d’une présidentielle anticipée), et l’opportunisme délirant et couard des autres.

Face à la guerre et à l’atlantisme débridé, qu’avons-nous ? Rien ou presque. Le capitalisme français étant trop abîmé pour que la voie gaulliste soit possible, la sphère néo-gaulliste se résume à des agités complotistes du genre d’Asselineau, Branco ou Philippot. On doit néanmoins citer Dominique de Villepin qui tente de plus en plus de jouer la carte du sauveur ni de droite ni de gauche, au-dessus des partis et social-impérialiste (d’où ses discours antisionistes pour draguer ceux qui, dans ce domaine, aiment le cinéma, le romantisme politique et l’absence d’analyse).

La Palestine, justement, dont le sort affreux émeut évidemment tout humain qui a un cœur, déchaîne aussi depuis des années mais surtout depuis le 7 octobre 2023 un antisémitisme débridé. Les actes antisémites ont bondi de 1 000% dans le pays et il y a une convergence entre les islamistes, les catholiques intégristes et le néo-doriotisme porté par la France insoumise, qui se déchaîne dans l’antisémitisme depuis des années, recyclant les couplets classiques des Juifs décides et arrogants, des « sionistes » qui manipulent les élections à travers le monde, du Crif qui voudrait nous « soumettre ». Les liens entre LFI et le FPLP palestinien, organisation nationaliste, antisémite, financée par la Syrie d’Assad et alliée au Hamas notamment lors du 7 octobre en disent long. Ce parti doit être considéré pour ce qu’il est : un parti fasciste, d’autant plus agressif que ses perspectives d’accéder au pouvoir sont nulles. Ce n’est pas tant un parti dont il faut redouter l’arrivée à la tête du pays, mais une machine à exacerber les tendances fascistes dans le pays. « Il faut tout conflictualiser », disait le bourgeois Mélenchon attaché à la défense du capitalisme national et de son militarisme. C’est à cette tâche que LFI s’attèle, étouffant la gauche, favorisant la droite et l’extrême-droite, assistant le lumpenprolétariat, les antisémites de tout bord et les islamistes. Une peste brune à détruire politiquement.

Quid de la Gauche ?

Tout ceci serait bien inquiétant mais on serait en droit d’espérer s’il existait une gauche dans le pays. C’est bien le problème : il n’y en a plus. Le Nouvel Affront Populiste est un crachat à la face du Front populaire de 1936. En résumé, il y a là-dedans :

  • LFI, dont nous venons de dire que c’était un parti fasciste. Son programme est une défense du capitalisme national mais avec un peu de démagogie populiste et sociale par-dessus, et un post-modernisme radical et identitaire. Il y a une critique du monde occidental mais avec l’idée de ne pas rompre avec lui et de seulement réorienter la puissance capitaliste française vers une collaboration avec le camp sino-russe et une domination « humaniste » sur le Tiers-monde.
  • le PS qui oscille entre une soumission totale au fascisme mélenchoniste ou un radical-socialisme libéral de type hollandiste. Les deux factions s’entendent sur le fanatisme pro-américain et le militarisme outrancier, rappelant la SFIO d’après-guerre qui s’entendait avec la CIA et voyait De Gaulle comme un agent soviétique.
  • EELV est un monstre d’opportunisme, proposant un « écologisme » qui mêle la vielle tradition proudhono-pétainiste française du culte de la « terre qui ne ment pas », techno-phobe, volontiers obscurantiste avec le soutien à l’anthroposophie et la biodynamie, et l’importation du post-modernisme subjectiviste/relativiste étasunien, avec le soutien à l’obscurantisme pervers qu’est le transactivisme, à la prostitution vue comme un « travail du sexe », à la GPA, etc. Depuis Jadot reprenant les slogans de l’extrême-droite néo-nazis ukrainienne au vote à l’assemblée pour l’effort de guerre, on voit ce que vaut ce parti « alternatif ».
  • la GRS, qui avait pu se présenter comme une social-démocratie non-post-moderne et plutôt jauressienne, n’a rien à dire. Il s’agit surtout de défendre le capitalisme et l’Etat français, mais en espérant les réorienter un peu.
  • le NPA et le REV, pourtant différents dans leurs logiques, se rejoignent dans l’antisémitisme (les premiers applaudissaient le Hamas et le FPLP, tandis que les seconds soutiennent l’infâme Caron, après avoir présenté une candidate négationniste en Haute-Loire).
  • le PCF a, pour des raisons historiques, conservé quelques réflexes, parle de travail, de paix, de sécurité… mais pas dans une perspective communiste. Il est resté à l’ère des trente glorieuses, avec son idéologie boccariste : il s’agit d’investir les institutions bourgeoises, l’Etat étant à tort présenté comme une structure neutre, et de se montrer comme le meilleur gestionnaire, avec l’idée de séparer l’Etat des grands groupes capitalistes (alors que l’Etat est justement l’émanation de la bourgeoisie française). Cette année, André Lajoinie est mort (nous publierons bientôt un dossier sur ce qu’il représentait, mais attendons les réponses d’André Chassaigne et Yannick Monnet, que nous comptions interviewer) et ce triste événement, évidemment marquant pour la gauche auvergnate et notamment la nôtre, a été l’occasion de constater que le PCF qu’il représentait ne peut plus exister aujourd’hui. Son républicanisme universaliste et exigeant, dans l’esprit de la loi Gayssot et d’une forme de radical-socialisme marxisant, n’est pas compatible avec l’alliance contractée par le PCF d’aujourd’hui avec les fascistes insoumis qui ressuscitent Doriot. Si le PCF d’alors avec l’URSS sur qui s’appuyer pour prétendre porter un ordre différent à celui dominé par les Etats-Unis, celui d’aujourd’hui ne peut péniblement que se tourner vers la Chine, aussi bureaucratique, autoritaire et impérialiste que l’était l’URSS de Brejnev. Quant au « communisme rural » porté historiquement par le PCF et notamment André Lajoinie, et qui tenait plus d’un populisme rural sincère mais attaché à la propriété privée qu’à un collectivisme réellement d’inspiration marxiste, il est aujourd’hui impossible à faire renaître, la paysannerie n’étant plus ce qu’elle était. D’où les efforts pathétiques de Fabien Roussel pour mettre en avant une « ruralité » faite de torture et de meurtre d’animaux pour le plaisir (on rappelle qu’il soutient les chasses traditionnelles, et le Mouvement National des Chasseurs et Pêcheurs Progressistes, qui prétend dépolitiser la question de la chasse et soutenir « toutes les chasses », dans un esprit ultra-réactionnaire mais se prétendant démocratique). Là où un André Chassaigne a pour lui la connaissance sincère de la petite paysannerie, quoi qu’on pense de son orientation, Fabien Roussel ne parle pas différemment des campagnes que la droite d’un Xavier Bertrand.
    Enfin, le PCF parle de paix… mais reste allié à ceux qui la désirent, se prononce pour le soutien militaire au régime ukrainien, et espère juste une paix négociée en citant la Chine et le Brésil comme arbitres possibles. Ce n’est pas au niveau. Tout comme n’est pas au niveau un PCF qui, pour toute révolution, dit qu’il serait bon que Macron écoute ses propositions et fasse des référendums (à la logique populiste et plébiscitaire, à rebours de tout collectivisme).

A nos yeux, la Gauche est morte en France et le NFP est un ennemi au même titre que la droite ou l’extrême-droite. Il n’est d’ailleurs au fond qu’une droite complexée. Que faire alors ? S’abstenir et attendre les beaux jours ? Non. Il faut reconstruire cette gauche sur les bases suivantes :

  • Refus de la guerre et lutte contre notre propre militarisme. Il faut saboter cette guerre et combattre ceux qui l’alimentent.
  • Lutte contre la société de consommation et le subjectivisme individualiste qu’elle nourrit.
  • Lutte contre l’obscurantisme, qu’il soit religieux, transactiviste, antivax, etc.
  • Affirmation de la nécessité d’un Ordre nouveau, d’une nouvelle civilisation, collectiviste et en harmonie avec la Nature.

C’est la seule voie possible si l’on ne veut pas de l’apocalypse annoncée.

« Ou bien passage au socialisme ou rechute dans la barbarie »

Bonne année !