Européennes et législatives : la post-gauche en fin de course
Au terme de cette élection européenne, cette pathétique pantalonnade qu’on nous ressort tous les cinq ans et qui aboutit à la même majorité capitaliste PSE/PPE à la tête de cette UE anti-démocratique au possible, le grand jour est arrivé : les combats menés ces dernières années par la « gauche » de ce pays aboutissent enfin !
Des années que Jean-Luc Mélenchon et ses partis successifs s’agitent, hurlent, dénoncent la « caste », les médias, mais aussi les Juifs et ce fameux complot des sionistes qui manipulent les élections et veulent faire taire la résistance.
Des années que les Verts recyclent les thèses des post-modernes étasuniens, ne s’adressent qu’aux bobos des centres-ville, et viennent expliquer le progressisme c’est de mutiler son corps si on n’est pas fait pour la société patriarcale, de louer le ventre des femmes, de promouvoir la légalisation du viol tarifé et de la drogue.
Des années que le Parti socialiste s’échine à montrer qu’il a honte de son nom, défend bec et ongles l’Union européenne des grands capitalistes, s’aligne totalement sur le militarisme occidental, jusqu’à se choisir une tête de liste qui négociait des armes pour un autocrate corrompu et tortionnaire, et a soutenu le coup d’Etat de l’extrême-droite bandériste.
Des années que le Parti communiste français, qui aujourd’hui appelle à la fin de la guerre tout en disant qu’il faut la poursuivre et livrer des armes, ne sait plus à qui se vendre : au PS, à Mélenchon, aux chasseurs, à la FNSEA…
Voilà enfin le fruit de leur travail commun : la gauche est dans les choux et le Rassemblement national, héritier de la Waffen-SS et de Pétain, se voit offrir le pouvoir par la droite libérale déconfite, avec qui notre belle « gauche » partage tant (alignement sur l’UE du Capital et sur l’OTAN, libéralisme culturel, anticommunisme, capitalisme vert, relance et défense du capitalisme français, soutien à l’effort de guerre, etc.).
Ils jouent tous les paniqués mais, en réalité, ils jubilent. Voilà enfin l’occasion rêvée, la seule manière qui pourrait éventuellement les rapprocher du pouvoir, tant on sait bien que sans cela ils seraient trop peu crédibles pour y prétendre : jouer les antifascistes, prétendre être le recours contre la barbarie, la porte de salut face à la bête immonde. « Sur un malentendu, ça peut passer », se disent-ils.
Il n’y a rien à espérer des divers bricolages qui s’annoncent pour sauver les meubles face au désastre de la fin du mois. Chacun votera pour le bricolage pseudo-antifasciste qui lui semblera le moins émétique, et ce sera bien compréhensible. On ne peut jamais se résoudre à s’abstenir face à l’extrême-droite.
Pour autant, il faut être lucide. L’Histoire est lancée : la vague fasciste emporte tout, comme la vague militariste a déjà commencé à nous engloutir. Le paysage politique français est tout entier, à peu d’exceptions près, acquis à la perspective d’une troisième guerre mondiale qui pourrait permettre de relancer notre capitalisme en crise. Sous-traiter la guerre étasunienne contre la Russie (puisque, aujourd’hui, même le RN et LFI, les deux partis historiquement poutiniens, ne soutiennent plus l’alliance réactionnaire qu’ils voulaient faire avec l’impérialisme russe et se sont ralliés à l’idée de dépecer la Russie, et faire couler encore beaucoup de sang en Ukraine, dans l’espoir que la France attrape quelques miettes), renforcer les intérêts du capitalisme occidental au détriment des masses populaires, tout ça est largement enclenché et une victoire des tartuffes qui prétendent être la gauche n’y mettrait aucun terme. Tout au plus, cela freinerait-il un peu le RN provisoirement, avant de le relancer de plus belle à l’échéance électorale d’après.
Ce qu’il faut – est-il besoin de le répéter ? – c’est reconstruire la Gauche. Non pas rassembler les morceaux informes de la post-gauche et les souder de travers avec la glu de l’électoralisme et du populisme. Non pas recycler toutes les figures de carême qui ont mené la gauche à l’abîme.
Reconstruire la Gauche du mouvement ouvrier, en rupture politique, idéologique, culturelle avec le capitalisme occidental décadent, avec la société de consommation, avec l’individualisme et le culte des identités, avec l’obscurantisme et la guerre. Une gauche de classe, de combat, qui fasse reculer la menace fasciste et la guerre. Une gauche qui fasse payer à ceux qui l’ont dévoyée jusqu’ici.
De qui viendra cette reconstruction ? De ceux qui ont compris qu’il était temps de lutter contre la France rance du « terroir » et de la chasse ET contre le cosmopolitisme vendu par un capitalisme sur-consommateur mondial. De ceux qui ont compris les enjeux guerriers qui se jouent actuellement. De ceux qui voient le capitalisme et ses monopoles tels qu’ils sont, et pas en recyclant le thème de la « finance apatride ». De ceux qui n’ont pas oublié les valeurs historiques de la gauche ouvrière. On peut se rassurer parfois en se disant qu’au PCF, au moins, tout n’est pas perdu, qu’il reste des gens bien, des militants qui ont encore la boussole de gauche qu’on ne trouve plus ailleurs, mais le parti en lui-même n’est pas aujourd’hui crédible (« il faut stopper la guerre » mais « il faut livrer des armes »), et ça ne représente de toute manière que très peu de monde.
L’heure des comptes est bientôt venue et chaque étincelle permettant de relancer le feu de la lutte des classes et du combat antifasciste est la bienvenue. Que les traîtres de la post-gauche prenne garde de ne pas s’y griller, quand elle rejaillira !